Critique de Claire A.

SynthĂšse

Claire A. – 20 ans – 2Ăšme annĂ©e Architecture et Engineering – Strasbourg
Sensibilité littéraire : éclectique, Marc Levy, Guillaume Musso.

LIVRE COMPLET  ♄♄♄  8/10*

Volume I  ♄♄♄♄  9

Volume II  ♄♄  7

Volume III  ♄♄♄  8

Volume IV  ♄♄♄  8

* la note chiffrĂ©e estime la qualitĂ© littĂ©raire formelle et la note de cƓur l’adhĂ©sion intime

En une formule

Quand la force de l’humanitĂ© naĂźtra de la force de chacun d’entre nous.

En quatriĂšme de couverture

Un combat dĂ©cisif nous attend pour sauver l’humanitĂ© avant qu’il ne soit trop tard.
Le compte Ă  rebours est annoncĂ© dans ce roman dystopique d’un genre nouveau qui ne se compare Ă  rien d’existant. Pendant qu’il nous immerge dans une rĂ©alitĂ© parallĂšle trĂšs Ă©laborĂ©e pour nous entraĂźner dans une aventure captivante avec des personnages attachants en quĂȘte du remĂšde universel, il nous tend en mĂȘme temps constamment le miroir de notre monde contemporain oĂč rĂšgne le pouvoir de la Communication. Le cocktail d’ensemble produit un Ă©veil de conscience dĂ©cisif : il existe une issue pour notre humanitĂ© en grand pĂ©ril Ă  condition de nous mettre en mouvement collectivement Ă  travers le pouvoir de notre goutte d’eau.
Ce pouvoir, il appartient Ă  chaque lecteur d’aller Ă  sa rencontre tandis que le livre nous confronte Ă  nous-mĂȘme jusque dans la plus grande profondeur, lĂ  oĂč est tapie notre peur, notre culpabilitĂ©, notre inconscience la plus inavouable qu’il nous faut accepter avec luciditĂ© pour nous en dĂ©livrer. Car c’est de notre transformation intĂ©rieure seule que pourra Ă©merger un nouveau monde rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©.
Et on sort de cette Ă©preuve rĂ©conciliĂ© avec la vie et avec soi-mĂȘme, dans une confiance neuve en notre pouvoir crĂ©ateur illimitĂ©. Notre horizon bouchĂ© s’ouvre Ă  la lumiĂšre oĂč tout redevient possible. L’enthousiasme renaĂźt, avec une envie d’agir Ă  notre niveau pour contribuer Ă  crĂ©er un monde meilleur, car nous savons dĂ©sormais que nous en avons les moyens et que tout est entre nos mains.

Questionnaire

Quelle impression gĂ©nĂ©rale vous a fait le livre et qu’est-ce qui le qualifierait le mieux ?

Il m’a permis de croire qu’ensemble tout est possible, que nous sommes tous responsables du monde dans lequel on vit.
Ce livre est riche, surprenant, inspirant et bénéfique pour les consciences.

Que vous a-t-il apporté ?

Une nouvelle vision du monde. On a tendance à se dire qu’il ne va pas si mal que ça, parce qu’on n’ose pas affronter l’horreur qui nous entoure.
Si les choses ne changent pas, notre futur peut devenir trĂšs mauvais.

A-t-il éveillé votre conscience dans certains domaines ? Si oui, lesquels ?

J’ai pris conscience de plusieurs aspects de la vie et j’ai un nouveau regard sur diffĂ©rents sujets :
– La notion de Peur, que l’on s’inflige souvent Ă  soi-mĂȘme.
– Les besoins fondamentaux des  « quatre richesses  » Ă  cultiver chaque jour.
– L’attention Ă  la rĂ©alitĂ© de l’Autre et le don dĂ©sintĂ©ressĂ©.
Ce sont des aspects du livre que je souhaite développer dans mon quotidien.

Maintenant que vous l’avez terminĂ©, percevez-vous sa cohĂ©rence d’ensemble et les liens nĂ©cessaires des diffĂ©rentes sĂ©quences dans le dĂ©veloppement des thĂšmes ?

Oui. Certaines sĂ©quences dont je ne percevais pas la raison d’ĂȘtre ont pris leur sens dans les volumes suivants (le baron Ungern, scĂšne d’amour
)

Maintenant que vous l’avez terminĂ©, percevez-vous la raison d’ĂȘtre de l’anonymat de l’auteure en lien avec le sacerdoce des mongonastiques ? La trouvez-vous justifiĂ©e et nĂ©cessaire ?

Oui. Le livre propose une vision de l’avenir et des solutions sur la façon de l’amĂ©liorer.
Afficher un nom d’auteur reviendrait Ă  dire que quelqu’un Ă  trouvĂ© la  « clé  » pour aider l’humanitĂ©, ce qui ne correspond pas aux valeurs des mongonastiques.

Considérez-vous que le livre peut avoir un impact bénéfique sur la conscience collective ?

Oui. Il peut ouvrir les consciences et amener l’humanitĂ© et chaque individu Ă  se remettre en cause.

Selon vous, est-il accessible au grand public ?

Je pense que non. Il faut partager certaines valeurs avec l’auteure et avoir un esprit ouvert pour percevoir le but de l’Ɠuvre.

Selon vous, a-t-il un potentiel de succĂšs de librairie ?

Oui.

Une fois publié, le conseilleriez-vous à vos proches ?

Oui.

Volume I 

♄♄♄♄  9

Commentaire

J’ai Ă©tĂ© portĂ©e par l’accroche trĂšs prenante de la premiĂšre partie. Je l’ai lue trĂšs vite sans presque pouvoir m’arrĂȘter, tenue en haleine par le suspens. C’est aussi trĂšs bien Ă©crit, agrĂ©able et facile Ă  lire, ce qui ajoute Ă  l’aisance de s’absorber dans l’histoire.
Je retiens plus particuliĂšrement la relation entre la mĂšre et l’enfant qui est touchante et pleine de sensibilitĂ©. Comme le pĂšre est absent, l’enfant est pour elle seule avec tout l’amour et la responsabilitĂ© de veiller Ă  son bien-ĂȘtre. Le conflit qu’elle endure entre son dĂ©sir de le garder et sa conscience de devoir le perdre en faisant le bien vĂ©ritable de l’enfant qui l’attire ailleurs dans l’inconnu est d’une grande intensitĂ©. Son tourment la conduit finalement Ă  aller au-delĂ  de l’égoĂŻsme pour faire le meilleur choix pour le bien de son enfant. Elle sacrifie son amour possessif en rĂ©vĂ©lant l’amour pur et dĂ©sintĂ©ressĂ© qu’elle lui a toujours portĂ©, et tous les sentiments qui s’expriment entre elle et son enfant Ă  ce niveau-lĂ  sont trĂšs beaux.
L’arrivĂ©e « accidentelle » de Djack au village a Ă©tĂ© une vraie surprise lorsque j’ai dĂ©couvert en mĂȘme temps que la mĂšre qu’il Ă©tait le prĂ©cepteur. Ça a encore plus intensifiĂ© le suspens qui tourne autour de Mongo en laissant entendre qu’il pourrait contrĂŽler les destins, et donc manipuler toutes les situations pour contraindre la mĂšre Ă  faire le choix de lui donner son enfant malgrĂ© elle, puisque dĂšs le dĂ©part elle a affirmĂ© sa ferme volontĂ© de le garder.
Bien qu’elle ne fait qu’une courte apparition, la petite Cerise est aussi un personnage touchant, et la trisaïeule avec ses maniùres extravagantes est assez comique.
Sur la deuxiĂšme partie, lorsqu’on aborde le monde sombre des basses villes pour arriver jusqu’au baron Ungern, ça part dans une direction complĂštement diffĂ©rente qui coupe avec le rĂ©cit initial, autant dans sa forme qui devient choquante et trash que dans son fond. Il montre la noirceur et le malheur du monde qui reflĂštent davantage ce vers quoi l’humanitĂ© est en train de s’enfoncer, par opposition au bonheur de vivre du village qui reste un rĂȘve ou une utopie.
Ça m’a fait un peu dĂ©crocher pour me sentir frustrĂ©e de ne plus ĂȘtre portĂ©e par l’élan initial du rĂ©cit qui m’a si bien plu, mais je l’ai retrouvĂ© ensuite quand on quitte ce monde sombre pour revenir dans la lumiĂšre du MongonastĂšre, oĂč on accompagne Ă  nouveau les enfants dans un rĂ©cit d’une grande sensibilitĂ©, avec des relations touchantes et pleines d’humanitĂ©.
Je note que j’ai Ă©tĂ© marquĂ©e par la leçon de vie de Zabir donnĂ©e aux enfants sur la peur, qui est une rĂ©ponse salutaire Ă  la peur aveuglante Ă  laquelle sont soumis tous les humains des basses villes. Elle m’a fait m’interroger sur ma propre relation Ă  la peur en me transmettant un enseignement pour m’en dĂ©tacher.
Le livre I se termine avec une sĂ©quence dans la cellule de transfert qui ravive tout le mystĂšre de Mongo. Le suspens sur ce qu’il pourrait bien ĂȘtre est complĂštement relancĂ©. Je ne veux rien anticiper pour ne pas ĂȘtre déçue si ça ne devait pas correspondre Ă  mes attentes. Je prĂ©fĂšre me laisser surprendre, ce qui attise d’autant plus mon envie de lire la suite.

Ce qui pourrait ĂȘtre amĂ©liorĂ© ou corrigĂ©

Rien Ă  corriger. Ma remarque sur le monde sombre du baron Ungern avec son Ă©criture choquante et trash n’est pas un dĂ©faut en soi. Je ne suis pas accoutumĂ©e Ă  ce style violent qui heurte ma sensibilitĂ©, mais je reste convaincue qu’il n’est pas gratuit et a sa raison d’ĂȘtre dans ce grand livre dont j’espĂšre avoir la comprĂ©hension en poursuivant ma lecture.

Volume II 

♄♄  7

Commentaire

J’ai lu ce deuxiĂšme volume avec plus de difficultĂ©, principalement la partie essai Ă  laquelle j’ai eu du mal Ă  accrocher, mais je souhaite toutefois poursuivre la lecture du volume III.
J’ai par contre trĂšs bien accrochĂ© Ă  la premiĂšre partie de ce volume II qui dĂ©voile les Ă©nigmes initiales en rĂ©vĂ©lant la cohĂ©rence de l’univers de Mongo. Tout trouve sa place autour de l’enjeu du MongonastĂšre de faire Ă©voluer la Communication pour amĂ©liorer le sort de l’humanitĂ©, notamment la prĂ©sence du baron Ungern qui y apparaĂźt comme son nĂ©cessaire contraste. La description de l’évolution de Mongo au cours des Ăąges est agrĂ©able Ă  lire et Ă  dĂ©couvrir. Il apparaĂźt comme un aboutissement d’une intelligence artificielle et pourtant il reste toujours aussi mystĂ©rieux et insaisissable, tout comme les boules noires qui recĂšlent son douziĂšme degrĂ© de conscience. Les trois RĂšgles qui le rĂ©gissent est une belle idĂ©e qui donne une vraie assise au dĂ©veloppement du monde de la Communication par l’intermĂ©diaire de ses mutations. Ça Ă©tablit le lien avec les Danseurs, la solidaritĂ© des mongonastiques qui Ɠuvrent ensemble en apportant chacun leur goutte d’eau, tandis qu’on suit les Ă©tapes menant aux douze mutations avec intĂ©rĂȘt dans cette construction imaginaire qui obĂ©it Ă  une logique trĂšs pertinente. C’est ce passage qui me met le plus en attente du volume III en laissant pressentir l’avĂšnement de la treiziĂšme mutation que je suis curieuse de dĂ©couvrir.
La description de l’industrie des croquants est bien vue Ă©galement. Elle montre de maniĂšre extrĂȘme comment la publicitĂ© nous manipule, ce qui m’a amenĂ©e Ă  mieux reconnaĂźtre son impact et son omniprĂ©sence dĂ©sormais admise dans notre vie, notamment dans sa maniĂšre de stimuler artificiellement notre faim en nous poussant Ă  manger au-delĂ  des besoins du corps, ce qui ne peut qu’ĂȘtre nĂ©faste Ă  notre santĂ©.

La deuxiĂšme partie commence par un long essai socio-Ă©conomique qui met entre parenthĂšses le rĂ©cit. Je me suis sentie frustrĂ©e de devoir ainsi dĂ©crocher de l’intrigue qui me tenait en haleine. Son contenu ne m’a pas vraiment attirĂ©e et m’a plutĂŽt ennuyĂ©e, Ă  l’exception de quelques idĂ©es originales comme la culture des quatre richesses que j’ai prise en note pour son grand intĂ©rĂȘt. La monnaie d’attention qui apparaĂźt plus loin en rapport avec la crĂ©ation monĂ©taire m’a marquĂ©e elle aussi pour sa pertinence Ă©vocatrice, parce qu’elle reflĂšte bien l’exigence d’attention de plus en plus nĂ©cessaire dans notre sociĂ©tĂ© d’aujourd’hui pour marquer notre place professionnelle et autre.
Je me suis sentie plus Ă  l’aise avec le texte lorsqu’il renoue ensuite avec les dialogues. Il a Ă  nouveau stimulĂ© mon intĂ©rĂȘt, et j’avoue que je prĂ©fĂšre cette forme narrative qui me permet de m’identifier aux personnages dans l’action. En suivant les Ă©changes de Carlos et de Thomas dans le prĂ©sent de leur situation, je m’identifie plus facilement Ă  eux avec la sensation de partager leur vie, ce qui rend le rĂ©cit plus dynamique et vivant.
La crise du Dicteur est bien perçue. C’est en s’écoutant lui-mĂȘme qu’il parvient Ă  la guĂ©rison de son doute. Il finit par retrouver le meilleur de lui-mĂȘme et la paix intĂ©rieure, et donc la plus grande des quatre richesses.
La dĂ©couverte des Musiciens dans les ateliers montre l’art dĂ©sintĂ©ressĂ© des mongonastiques dont le don crĂ©ateur est pour recevoir et pour donner. La scĂšne finale entre les deux garçons est touchante. Elle met en avant les univers trĂšs diffĂ©rents dont ils sont issus qui n’empĂȘchent pas leur relation fusionnelle, rĂ©vĂ©lant un besoin l’un de l’autre oĂč ils se complĂštent.

Ce qui pourrait ĂȘtre amĂ©liorĂ© ou corrigĂ©

Le long essai socio-Ă©conomique m’a fait dĂ©crocher du dynamisme du rĂ©cit. Je ne dirai pas pour autant que c’est un dĂ©faut qui doit ĂȘtre corrigĂ© en le retirant ou en le rĂ©duisant. Difficile de trancher, car s’il est moins attrayant et plus difficile Ă  lire, donc d’un accĂšs moins grand public sur ce passage, il enrichit nĂ©anmoins le livre en donnant plus de substance aux thĂšmes abordĂ©s.

Volume III 

♄♄♄  8

Commentaire

J’ai besoin d’ĂȘtre stimulĂ©e par l’action et l’interaction des dialogues pour rester prise dans un rĂ©cit, c’est pourquoi je prĂ©fĂšre ce style de roman. Mais je dois dire que j’ai Ă©tĂ© agrĂ©ablement surprise par la derniĂšre partie sur la longue introspection de Thomas, donc sans action et sans dialogue. J’ai beaucoup accrochĂ© Ă  son contenu qui m’a bien parlĂ©, et pour la premiĂšre fois j’ai pu suivre cette forme narrative avec un vrai intĂ©rĂȘt.
Ce qui m’a attirĂ©e d’emblĂ©e dans ce passage est sa façon de nous faire percevoir la rĂ©alitĂ© comme un cadeau. La vie est un cadeau qui nous est donnĂ©. A nous d’en prendre soin et de bien en profiter, ce qui demande seulement de rester en accord avec elle en faisant le bien. Car la libertĂ© est donnĂ©e Ă  l’homme, nous pouvons choisir la vie que nous voulons mener, mais cette libertĂ© de choisir implique que nous sommes responsables de nos actes et de leur consĂ©quences que nous devons assumer. Cela renvoie alors Ă  la responsabilitĂ© de notre goutte d’eau qui reste dĂ©cisive pour crĂ©er ensemble un monde meilleur.
La longue rĂ©flexion sur la mort m’a beaucoup plu Ă©galement. Elle est prĂ©sentĂ©e dans une perception positive oĂč elle fait partie de la vie. En faisant le parallĂšle avec la mort de l’enfance nĂ©cessaire pour donner naissance Ă  l’adolescence, elle montre que notre vie est parsemĂ©e de petites morts et de renaissances qui sont Ă  chaque fois des passages d’un Ă©tat ancien Ă  un Ă©tat nouveau qui sont indispensables au renouvellement du courant de vie. La mort finale du corps qui nous attend tous est prĂ©sentĂ©e dans cette perspective qui nous fait pressentir qu’elle n’est elle aussi qu’un passage nĂ©cessaire pour un renouvellement plus grand dans lequel quelque chose de notre conscience persiste, tout comme nous n’avons pas perdu notre conscience de soi en passant de la mort de l’enfance Ă  la naissance de l’adolescence. Rien de dogmatique n’est cependant affirmĂ© sur la mort. Elle garde tout son mystĂšre en se tenant Ă  sa rĂ©alitĂ© factuelle de saut dans l’inconnu, mais on en ressort avec un sentiment apaisĂ©, une plus grande acceptation de la mort et plus de confiance en ce qui nous attend dans l’inconnu. C’est l’expĂ©rience de Thomas qui accepte toujours plus la mort avec bonheur en mĂȘme temps qu’il s’abandonne toujours plus Ă  la vie qui nous transmet cette impression positive. Mais puisque son destin de Danseur l’appelle au sacrifice de sa vie, je me demande s’il ne va pas mourir dans la suite du rĂ©cit, comme si son acceptation de la mort Ă©tait une façon de se prĂ©parer Ă  ĂȘtre le treiziĂšme Danseur accompli.

Pour revenir au dĂ©but du rĂ©cit, j’ai Ă©tĂ© marquĂ©e par l’apparition de l’Ogre. On partage le frisson de peur qui anime Thomas jusqu’à ce qu’il le dĂ©couvre en ouvrant la porte. J’ai Ă©tĂ© surprise d’apprendre qu’il s’agissait d’un Danseur qui avait Ă©chouĂ© Ă  la mutation. Ne reste plus de lui que le mal qu’il a refoulĂ© durant son Ă©ducation oĂč il s’efforçait de ne prĂ©senter que le meilleur de lui-mĂȘme, et qui est ressorti au moment de la mutation en le possĂ©dant tout entier. L’Ogre renvoie alors aussi Ă  la part obscure ou mauvaise que l’on refoule en soi, ce qu’exprime bien le pressentiment de Thomas de porter l’Ogre en lui.
Quand il expĂ©rimente la perdition des tĂ©nĂšbres avec son ami Carlos et qu’ils s’en sortent parce qu’ils sont restĂ©s attachĂ©s par la main, c’est une belle image de solidaritĂ© qui montre qu’à deux on est plus forts pour affronter une Ă©preuve.
La traversĂ©e de l’épreuve leur fait accĂ©der au sanctuaire des Danseurs accomplis oĂč les attend le Dicteur. Il dĂ©cide de briser la RĂšgle de sa charge en leur faisant des rĂ©vĂ©lations interdites. J’ai trouvĂ© trĂšs intĂ©ressant ce moment oĂč il abandonne une perfection formelle d’éducation pour se montrer plus humain et plus proche des deux garçons. Il leur donne sa goutte d’eau en Ă©tant rĂ©ceptif Ă  leur humanitĂ© commune, ce qui ne peut qu’élever leur confiance mutuelle et leur sentiment d’Ɠuvrer tous ensemble au mĂȘme but. De cette façon, il leur apporte finalement beaucoup plus que s’il s’était contentĂ© de respecter la RĂšgle.
J’ai aussi bien aimĂ© l’évolution de Thomas Ă  l’intĂ©rieur de ce troisiĂšme volume. A son premier rendez-vous avec Mafat, il se montre d’abord supĂ©rieur et dominateur. Puis sa rencontre avec l’Ogre va le libĂ©rer de sa peur profonde. A partir de lĂ , son sentiment de supĂ©rioritĂ© disparaĂźt puisqu’il rĂ©alise que c’était avant tout un rempart pour se protĂ©ger de sa peur de l’autre. S’il a un don exceptionnel, ça n’en fait pas pour autant un ĂȘtre supĂ©rieur. Et de dĂ©couvrir qu’il n’est fondamentalement pas diffĂ©rent des autres, qu’il est au mĂȘme niveau qu’eux le libĂšre de son isolement d’Élu et lui procure de l’apaisement.
Il est alors mĂ»r pour rencontrer Mafat pour de bon parce qu’il se sent Ă  prĂ©sent avec elle de l’intĂ©rieur, au mĂȘme niveau qu’elle. Il dĂ©couvre la sexualitĂ© et la dimension de l’amour, oĂč sa vie austĂšre de mongonastique laisse place Ă  de l’attachement pour un autre ĂȘtre. Il renoue ainsi avec sa part d’affection humaine comme il a pu la connaĂźtre avec la petite Cerise dans son village. Mais ce moment marque aussi son passage Ă  l’ñge adulte oĂč il s’ouvre Ă  l’autre et assume ses sentiments.

Ce qui pourrait ĂȘtre amĂ©liorĂ© ou corrigĂ©

Dans la derniĂšre partie, j’ai fini par perdre le fil dans le deuxiĂšme grand passage en italiques. S’il Ă©tait deux fois plus court en restant sur l’essentiel, je pense que ça ne se produirait pas.

Volume IV 

♄♄♄  8

Commentaire

J’ai Ă©tĂ© contente de retrouver Mafat en ce dĂ©but de volume, et attristĂ©e pour elle et Thomas dans la scĂšne de leur rupture. Cette scĂšne met en avant leur amour trĂšs puissant en le confrontant Ă  leur histoire qui Ă©tait impossible dĂšs le dĂ©part. Le fait que Mafat soit prĂȘte de passer pour une sorciĂšre en dĂ©tournant un mongonastique de sa mission est une idĂ©e forte, de mĂȘme que Thomas qui prĂ©fĂšre renoncer Ă  sa mission de sauver l’humanitĂ© pour laquelle il est venu au MongonastĂšre plutĂŽt que de quitter Mafat. Elle montre bien l’intensitĂ© de leur passion qui les enferme dans un amour Ă©goĂŻste qui se fait au dĂ©triment des autres. C’est pourquoi leur amour passionnel est sans issue, parce qu’il reste chargĂ© de souffrance pour tous. Et leur grande souffrance qui va atteindre jusqu’à Carlos est trĂšs bien ressentie. On a de la peine pour ce qu’ils endurent.
On dĂ©couvre alors un autre Thomas qui a perdu le goĂ»t de la vie. Son mal-ĂȘtre l’amĂšne Ă  visiter l’Ogre. A travers lui, il veut se convaincre que Mafat est responsable de son mal, que c’est sa faute si il souffre et non la sienne. La voie de l’Ogre est donc d’agir sur Mafat pour se libĂ©rer de sa souffrance puisqu’il lui fait croire qu’elle en est la cause, que c’est en lui imposant sa volontĂ© pour qu’elle se plie Ă  son dĂ©sir qu’il ira mieux.
Tout cela prĂ©pare sa confrontation avec Gunj qui va l’amener Ă  sa guĂ©rison en l’éclairant sur la vraie nature de son mal. Il lui fait bien voir que Mafat ne peut pas ĂȘtre la source de son malheur parce qu’elle n’est pas non plus la source de son bonheur. Thomas est enfermĂ© dans son mal oĂč il est son propre bourreau comme son propre sauveur. Cette rĂ©alitĂ© me renvoie au volume I oĂč elle a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© abordĂ©e concernant la peur inutile qu’on s’inflige Ă  soi-mĂȘme. Thomas doit donc aller Ă  l’intĂ©rieur de lui pour trouver la source de son mal-ĂȘtre qu’il doit Ă©liminer, avant de pouvoir renouer avec la source de son bien-ĂȘtre qui ne dĂ©pend de rien d’extĂ©rieur.
On voit que Gunj a le pouvoir de le guider vers sa guĂ©rison parce qu’il est un ĂȘtre illuminĂ© qui est lui-mĂȘme parvenu Ă  se guĂ©rir de toute souffrance en atteignant la vĂ©ritĂ©. Comme Bouddha, c’est un sage rĂ©alisĂ© tout Ă  fait crĂ©dible qui donne un poids d’authenticitĂ© aux vĂ©ritĂ©s spirituelles qu’il Ă©nonce. C’est comme ça qu’il m’a fait accrocher aux deux personnalitĂ©s en nous, la vraie et la fausse, la consciente et l’inconsciente, que je trouve trĂšs rĂ©vĂ©latrices. J’ai aussi Ă©tĂ© marquĂ©e par son enseignement sur les trois actes, le nĂ©gatif, le neutre, et le positif, qui m’a apportĂ© une vraie prise de conscience sur la nĂ©gativitĂ© masquĂ©e de l’acte neutre.
Dans sa derniĂšre confrontation avec Gunj, Thomas doute encore de lui-mĂȘme. Il ne ressent pas l’envie de sauver l’humanitĂ© car il n’a pas cette force de dĂ©vouement et de sacrifice. Et c’est seulement en dĂ©couvrant Mafat qui porte un enfant que le dĂ©sir de sacrifice va s’éveiller naturellement en lui. J’ai trouvĂ© que c’était lĂ  une belle scĂšne pleine de sens pour conduire Ă  la fin du roman. Mafat y apparaĂźt comme l’incarnation du Bien, de la douceur maternelle et de la force d’amour universelle. L’impulsion de Thomas Ă  se sacrifier n’est plus contrainte mais devient l’élan spontanĂ© de son amour pour les enfants Ă  venir de l’humanitĂ©.

Ce qui pourrait ĂȘtre amĂ©liorĂ© ou corrigĂ©

J’ai trouvĂ© la confrontation entre Gunj et Thomas dans la premiĂšre partie qui mĂšne jusqu’à sa guĂ©rison trop thĂ©orique. Il y a trop d’insistance sur la souffrance de Thomas, notamment le passage oĂč il se connecte au cƓur ensanglantĂ© de Mafat jusqu’à parvenir Ă  sa guĂ©rison. C’est trĂšs thĂ©orique et statique. Ça passerait mieux si c’était rĂ©duit Ă  l’essentiel.
J’ai d’abord Ă©tĂ© frustrĂ©e de ne pas savoir qui de Thomas ou de Carlos allait ĂȘtre l’Élu pour accomplir la TreiziĂšme ƒuvre. Puis j’ai finalement apprĂ©ciĂ© l’idĂ©e qu’ils l’accompliraient ensemble, puisqu’elle ne peut ĂȘtre qu’une Ɠuvre collective. De cette façon la fin est libre, et c’est aussi bien, car on peut imaginer ce qu’on veut.