Critique de Clara D.

Synthèse

Clara D. – 20 ans – 2ème année langues étrangères appliquées- Strasbourg
Sensibilité littéraire : éclectique, littérature classique, Maupassant, Zola, romans américains, Paul Auster.

LIVRE COMPLET  ♥♥♥♥  9/10*

Volume I  ♥♥♥♥  8

Volume II  ♥♥♥  7

Volume III  ♥♥♥♥  9

Volume IV  ♥♥♥♥  9

* la note chiffrée estime la qualité littéraire formelle et la note de cœur l’adhésion intime

En une formule

Une incroyable épopée initiatique sur la connaissance de soi et de la nature humaine.

En quatrième de couverture

Dans un monde où les désastres des inégalités et le culte du divertissement soumis à l’audimètre tout-puissant rythment les relations humaines, une entité mystérieuse nommée Mongo choisit des Élus porteurs d’un don créateur qui a le pouvoir de sauver l’humanité de l’enfer vers lequel son comportement inconscient la dirige.
À travers Thomas, un Élu potentiel plein de vie mais également de doutes sur lui-même et sur la valeur salvatrice de leur mission pour le monde, l’auteure nous livre un profond enseignement sur le potentiel humain enfoui en chacun de nous.
Entre une épopée entraînante et des épisodes spirituels éclairants, nous nous retrouvons devant notre miroir pour une plongée introspective à la rencontre de nous-même, de la lumière de notre conscience qui est la seule vraie clé pour sortir de l’impasse du désastre planétaire programmé.
La force unique du livre est d’éveiller notre conscience au pouvoir de notre goutte d’eau pour nous inciter à agir à notre niveau, non par contrainte et nécessité, mais par enthousiasme et amour de la vie, parce qu’il nous redonne foi en notre potentiel créateur illimité qui ne demande plus que de nous rassembler pour engendrer ensemble un monde meilleur.

Questionnaire

Quelle impression générale vous a fait le livre et qu’est-ce qui le qualifierait le mieux ?

Je l’ai beaucoup aimé. Il aborde tellement de thématiques qui nous concernent tous, comme notre rapport aux autres, le dépassement de soi, l’amour. J’ai aimé les épisodes dramatiques, d’aventures, de tensions, tout comme j’ai su apprécier les enseignements spirituels.
C’est un livre porteur de leçons, éveilleur de conscience, qui est à part, fonctionnant sur un double récit, à la fois épopée et enseignement spirituel, qui ne correspond à aucun genre établi. Il procure un vrai plaisir de lecture, avec des personnages attachants, un style agréable, fluide et rythmé, simple et pertinent, tout en étant d’une très grande richesse qui le rend difficile à résumer. Il me laisse l’impression que je n’ai pas pu tout saisir sur une première lecture, et c’est un des rares livres qui me donnent l’envie de relire ses quatre volumes pour approfondir ce qui aurait pu m’échapper.

Que vous a-t-il apporté ?

Il m’a appris à relativiser sur les petits malheurs ou angoisses qui peuvent frapper nos vies. Dans cette même idée, il m’a donné l’envie d’apprendre à positiver, à m’ouvrir encore plus aux autres.
Plus généralement, il m’a apporté de forts moments de lecture qui ont réussi à éveiller ma conscience.

A-t-il éveillé votre conscience dans certains domaines ? Si oui, lesquels ?

Oui. Mais j’étais déjà consciente de certaines choses comme la réalité du système monétaire, du pouvoir de la goutte d’eau, ou encore de l’audimètre et de son importance. Pareil pour le rapport à la mort, sur le fait que c’est la consécration de la vie et qu’il faut en avoir conscience.
Le livre m’a éveillée sur le rapport que nous entretenons avec la réalité, l’instant présent et son importance.

Maintenant que vous l’avez terminé, percevez-vous sa cohérence d’ensemble et les liens nécessaires des différentes séquences dans le développement des thèmes ?

Oui. Je trouve que les thèmes sont abordés de façon cohérente. Tout vient facilement et dans une logique bien pensée. Ce qu’on nous apprend est habillement abordé par la suite, ce qui assure une bonne cohésion et une bonne assimilation pour le lecteur. L’alternance d’épisodes romanesques et de séquences d’enseignement maintient également cette cohérence : on passe du théorique au pratique, et inversement.

Maintenant que vous l’avez terminé, percevez-vous la raison d’être de l’anonymat de l’auteure en lien avec le sacerdoce des mongonastiques ? La trouvez-vous justifiée et nécessaire ?

J’approuve l’anonymat de l’auteure dans le sens où il s’agit d’un don de soi destiné à l’humanité. Comme il est dit dans le tome II, la quête de reconnaissance n’a pas lieu d’être quand l’objectif est l’essor de la culture pour un bénéfice collectif.
Pour ce qui est des mongonastiques, peut-être que l’auteure a cherché à les rendre moins fictifs en rejoignant leur anonymat, comme si elle voulait faire entendre que les mongonastiques sont les véritables auteurs, que toutes les leçons proviennent d’eux.

Considérez-vous que le livre peut avoir un impact bénéfique sur la conscience collective ?

Je l’espère. Mais il faut que les gens se penchent d’avantage sur ce genre de lectures instructives, qui vont au-delà de la simple distraction… De plus, les crises mondiales actuelles comme celle des migrants pourraient être une bonne façon d’appliquer les leçons du roman.

Selon vous, est-il accessible au grand public ?

Je pense qu’il est parfaitement accessible à un grand public, et ce malgré quelques passages plus difficiles à comprendre, comme les leçons de sagesse de Gunj dans le dernier tome.

Selon vous, a-t-il un potentiel de succès de librairie ?

Oui, car le roman est attractif dû à son thème peu commun. Manier le genre romanesque et l’éveil à la spiritualité en les faisant aussi bien fusionner devrait attirer un grand nombre de lecteurs.

Une fois publié, le conseilleriez-vous à vos proches ?

Oui, car les thèmes abordés dans le livre sont de grands sujets de conversation dans ma famille. De plus, j’ai beaucoup de personnes dans mon entourage qui apprécient la lecture, et surtout ce genre de thème spirituel.

Volume I 

♥♥♥♥  8

Commentaire

J’ai adoré ce premier volume. Ça se lit bien, de manière agréable et accessible. Le style est fluide, le rapport entre le récit et les dialogues bien dosé, ce qui aère le texte, tandis que l’oralité marquée des dialogues le dynamise en le rendant très vivant. J’ai une mémoire photographique, et les décors et personnages sont bien décrits, faciles à visualiser, comme si je percevais une scène cinématographique.
Entre le premier et le deuxième épisode, on passe d’une ambiance colorée à une ambiance très sombre, presque en noir et blanc, du moins pour tout ce qui concerne l’univers d’Ungern et des basses villes.
Le premier épisode se termine sur un dénouement extrêmement poignant. La façon dont le récit fait pressentir la douleur enfouie de la mère qui vient de perdre son enfant est une scène forte et très dure. Quant au village hors du monde et fermé sur lui-même, il m’a fait songer à une secte comme les Amish, pas sur le plan religieux mais pour être déconnecté du reste du monde. L’arrivée de Djack le fait ressortir parce qu’il reste un intrus et un étranger. C’est le plus marquant au moment de la transe suivie des ébats sexuels débridés, ce qui m’a procuré un véritable malaise, comme si en tant que lectrice j’étais moi-même une intruse dans leur monde à part. La description rigoureuse du jeûne est instructive et dénote un travail d’information en amont qui se veut précis.
C’est ce qui apparaît au deuxième épisode où j’ai suivi avec grand intérêt tout le développement sur la Communication. L’auteure fait preuve d’une connaissance approfondie du sujet pour le mettre si bien en lumière dans des symboles qui forment un miroir tout à fait pertinent de notre monde.
La présentation d’Ungern et des personnages qui l’entourent reste ambivalente : ils sont tous horribles mais on ne peut s’empêcher de ressentir de la compassion pour eux, car ils sont coincés dans leur situation et victimes de leur passé traumatique. Dans tout ce passage domine le thème de la peur dont ils sont esclaves, un thème qui va ensuite trouver son contre-exemple en revenant auprès des enfants et de Zabir, lorsqu’il leur apprend à surmonter la peur.
J’ai beaucoup apprécié tout ce qui tourne autour des enfants auxquels je me suis identifiée comme si j’étais un troisième enfant qui les accompagnait. J’ai ainsi suivi leurs différents épisodes initiatiques qui surviennent pas à pas, dans une atmosphère toujours agréable et clairement décrite. Je me suis sentie les vivre de l’intérieur, et plus particulièrement dans la cellule de transfert où je partageais leurs perceptions.
Pour dire un mot de Mongo qui est le grand mystère du livre, il m’évoque à ce stade une force invisible d’ordre métaphysique. Le fait qu’il communique avec les sens est original et intrigant. Tout comme la scène finale qui fait apparaître la petite fille après que l’enfant Thomas l’a peut-être rêvée dans la cellule de transfert, annonçant un destin commun, tout cela relance fort judicieusement l’intrigue pour aborder le volume suivant.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Rien à signaler.

Volume II 

♥♥♥  7

Commentaire

J’ai trouvé ce deuxième volume beaucoup plus intéressant dans le fond que dans la forme. Le romanesque du récit est moins présent et laisse place à une narration plus axée sur un objectif : il va à l’essentiel. On assiste à un vrai voyage initiatique sur l’humanité et ses maux, qui sont ceux de notre époque. Les théories économiques sont applicables à notre monde, notamment avec le financement de l’industrie pharmaceutique pour les maladies.
La lecture est toujours agréable et accessible, mais à condition cette fois d’y mettre sciemment son attention. A partir de là, on ne perd pas le fil de la compréhension et on se retrouve captivé à un autre niveau. L’impact que l’on en reçoit est alors d’autant plus fort qu’il nous a demandé plus de concentration. Le procédé rhétorique employé m’a fait penser au style des conférences TED, un procédé plus oral donc pour exprimer réquisitoire et plaidoyer.

Tout le volume se passe sur deux journées d’initiation. La façon dont il s’étend à l’intérieur de ces deux journées a un effet remarquable par rapport au récit qui se déploie sur plusieurs années dans le premier volume, comme si on suivait nous aussi en temps réel et de façon complète la longue initiation des jeunes Danseurs. On assiste avec eux aux révélations du Dicteur sur les rouages de la Communication et de l’Œuvre de Mongo, puis à son analyse très poussée et rigoureuse des dysfonctionnements catastrophiques de notre monde et de leurs issues possibles. L’ensemble se découvre étape par étape, avec ses rebondissements et ses coups de théâtre sur le plan des idées. Il en ressort une vraie cohérence où tout s’impose dans une vision logique, d’une grande clarté pédagogique. Le fil conducteur des différentes explications initiatiques est bien construit pour que le lecteur se concentre et assimile le contenu. Les thèmes s’enchaînent logiquement, se renvoient les uns aux autres dans des rapports de causalité nécessaires, et finalement tout apparaît lié et intriqué dans un tout indissociable. De cette façon, les parties théoriques sont bien intégrées et alternent avec la description de situations poussées aux extrêmes qui viennent les illustrer. C’est particulièrement frappant à la fin du volume quand on plonge dans une forteresse des basses villes qui abrite l’élite richissime pour explorer le thème de la frontière séparatrice, car sa nature de souffrance nous saute alors aux yeux avec un relief particulièrement saisissant et explicite.

Concernant l’évolution des personnages, on s’éloigne un peu de Thomas pour aller davantage vers Carlos en découvrant son intériorité. Ça équilibre leur importance dans le récit, et permet aussi de mettre en contraste les pensées qui les opposent. Le monde de Mongo est bien orchestré, son harmonie et son intention lumineuse pour l’humanité le rendent séduisant. Du fait qu’il lui résiste par sa révolte et sa méfiance, sa sensation de ne pas avoir choisi et de ne pas être libre, Thomas en devient moins attachant car on a envie d’être du côté de Mongo, et donc de Carlos qui lui y adhère complètement. Thomas reste néanmoins touchant dans ses souvenirs de sa vie passée et dans la scène finale avec Carlos qui les réunit dans un grand apaisement, où elle met en avant leur fraternité et leur lien fusionnel.
La métamorphose du vieux Dicteur délivré de son doute torturant apporte aussi un soulagement et une lumière d’espérance bienvenue pour l’humanité. Sa paix intérieure est crédible et bien ressentie. On quitte alors le livre dans une atmosphère apaisée avec une envie intacte de poursuivre la lecture pour suivre l’évolution de ces personnages et découvrir les énigmes restées en suspens.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Moins romanesque que le premier volume, il requiert une attention plus soutenue, mais c’est le prix à payer pour accéder à sa richesse de fond. Ce n’est donc pas une critique en soi, car on voit difficilement comment ça pourrait être fait autrement. Il nous demande de passer d’une attention passive et facile à une attention plus active qui est nécessaire pour grandir en conscience, et c’est précisément tout l’enjeu du combat pour la lumière des artistes porteurs de conscience présenté dans le livre. Il nous livre ainsi des clés de lecture dans un miroir pour nous inviter en tant que lecteur à participer nous aussi à ce combat par notre propre effort d’attention.

Volume III 

♥♥♥♥  9

Commentaire

Des trois volumes, c’est celui que j’ai préféré, au point d’avoir envie de le relire ultérieurement. Il se lit plus facilement que le II. On retrouve une dynamique romanesque entraînante et captivante qui alterne avec des moments de grande introspection. Les thématiques sont plus profondes et personnelles, dans le sens où l’essentiel se passe dans le monde intérieur de Thomas, sauf à la fin où il s’ouvre à l’universel. On peut parler de développement personnel dans ce volume car la découverte et l’exploration de lui-même que vit Thomas nous concerne tous. Parce que Thomas est focalisé sur lui-même tout au long du volume, tout est aussi bien centré sur soi, sur notre propre réalité intérieure. C’est pourquoi on lit comme devant notre miroir où tout ce qu’on perçoit renvoie à soi-même, parle à soi-même. On participe à l’introspection de Thomas qui nous pousse à nous remettre en question, à nous interroger sur notre propre réalité. Elle se fait sur une dominance de ses perceptions qui sont très bien ressenties et qui nous gardent en immersion dans son intériorité, si bien qu’on ressent avec lui, qu’on découvre et qu’on est surpris avec lui. Le contact avec le lecteur grandit alors en intensité et en intimité, ce qui rend Thomas plus proche et à nouveau touchant, parce qu’il nous apparaît plus humain et plus simple.

Une présence féminine apparaît enfin dans ce volume, et ça fait du bien. Mafat est un personnage fort qui va inspirer l’amour à Thomas. Il découvre avec elle la sexualité et l’amour, et l’attention profonde qu’il lui voue le rend là aussi particulièrement touchant. Son éveil à l’amour va s’étendre ensuite à l’humanité entière, en lui rappelant d’abord tout ce qu’il a aimé, sa mère, son village, la petite Cerise, et tous ces moments sont touchants et émouvants. J’ai aussi beaucoup aimé à la fin sa sensation de faire l’amour à la Terre. Il est dans une communion sensuelle toute simple avec la nature, ce qui m’a rappelé le Robinson de Michel Tournier.
Il y a beaucoup de symboles et d’évocations symboliques qui portent les thèmes. La goutte d’eau revient dans une expression plus profonde et spirituelle. Elle évoque un sens du partage et de la communion très parlant, on se sent concerné parce qu’elle apparaît si nécessaire face à notre culture de l’individualisme forcené.
Je m’attendais à l’apparition de l’Ogre par les indices subtilement semés dans le volume précédent. C’est la plaie du Mongonastère qui révèle que son fonctionnement n’est pas parfait, qu’il est lui aussi confronté à l’échec. Il est bien amené dans le récit. On partage la boule au ventre de Thomas tandis qu’il descend dans la cave pour aller à la rencontre de sa peur. Là encore, on est dans des symboles forts qui renvoient aux peurs de notre enfance et qui parlent à tout le monde.
Enfin le thème de la mort m’a beaucoup marqué. Il porte un message d’espoir car la mort y est présentée sous un jour lumineux plutôt que ténébreux. Ici, elle n’est pas effrayante, n’est pas une réalité péjorative qu’il faudrait fuir ou refouler. La conscience de la mort nous rappelle que notre existence humaine n’est pas infinie, elle va s’arrêter, mais en même temps la mort reste l’ouverture vers le sans limite, et le sans limite nous laisse le pressentiment qu’elle est aussi une expression de notre conscience.
J’ai terminé le livre avec une impatience de découvrir le dernier volume.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Dans la dernière partie méditative, certains passages présentent des tournures répétitives qui ne sont pas nécessaires. Ils gagneraient à être légèrement condensés.

Volume IV 

♥♥♥♥  9

Commentaire

Le dernier volume continue de se lire facilement, en restant prenant par un effet d’aspiration à découvrir la suite au fil des pages. S’il ne répond pas à toutes les attentes semées par les personnages sur le plan romanesque, il y répond pleinement sur le plan spirituel en mettant clairement en lumière le remède universel qui vaut autant pour notre évolution et bien-être personnels que pour l’évolution et le bien-être de l’humanité à venir. Il nous donne alors l’essentiel qui révèle la profonde unité du livre, où tous ses différents aspects et épisodes prennent sens en regard de ce dénouement essentiel qu’ils préparaient. Se déployant en plusieurs étapes, le remède universel s’accompagne d’une impression de libération graduelle de toute la noirceur des tourments humains auxquels le livre nous a confronté. On rejaillit à la lumière, à l’apaisement, à la bonne énergie et à la confiance en soi et en l’humanité dans notre capacité à créer ensemble un monde meilleur. Tout s’achève dans la réconciliation, la concorde, la communion, pour une fin heureuse où dominent la beauté intérieure des êtres et leur humanité.

La violente rupture entre Thomas et Mafat inaugure ce dernier volume. Si elle peut paraître d’abord banale pour ressembler à toutes les ruptures, sa portée va avoir des répercussions extraordinaires sur l’évolution intérieure des personnages. L’épreuve de la douleur de cœur de Thomas après avoir connu le paradis avec Mafat, puis son amitié brisée avec Carlos, installent une situation romanesque qui fait ressortir l’intensité de leurs liens dans la souffrance. Elle produit des moments émotionnels forts qui les rendent encore plus humains et touchants.
On suit ainsi les tourments de Thomas avec empathie. Il faut qu’il aille au bord du suicide pour réaliser dans un sursaut l’importance de la vie. Son désespoir le pousse à rencontrer l’Ogre qui incarne le Ça freudien, la nature bestiale et pulsionnelle de l’homme. Il est aussi le reflet de sa souffrance et de sa perdition dans lequel il cherche confusément une issue. C’est pourquoi l’Ogre clame qu’il détient la liberté absolue, que tout lui est permis parce qu’il est affranchi de toutes les règles. Avec cette liberté là, Thomas pourrait s’emparer de Mafat de force sans scrupules comme d’un remède à sa souffrance, sauf que la liberté de l’Ogre l’enferme dans la démence et l’isolement parce qu’elle nie la réalité de l’autre.
Tout ce passage montre que l’Ogre est une part de la nature humaine que l’on porte tous en nous. Elle est tributaire de comportements malsains auxquels on ne peut jamais complètement échapper, puisque même le Mongonastère qui cultive le plus haut idéal humain n’y échappe pas. L’Ogre est sa part d’ombre refoulée comme il est notre part d’ombre. Mais cette réalité nous montre en même temps le chemin pour réduire sa puissance qui est celui de l’acceptation. Car l’Ogre doit sa puissance à nos refoulements, et la voie de l’acceptation de soi permet à ce que nous refoulons de nous-même de remonter à la conscience pour se dissiper. Ce qui va faire le lien avec la vision prémonitoire de l’Ogre assis sur le trône de l’audimètre à la fin du livre, concentré de la part d’ombre de l’humanité qui lorsqu’elle prend le pouvoir sur les hommes, devient cette puissance d’aveuglement collectif déclenchant les guerres et toutes les barbaries.
Après avoir affronté toute sa noirceur, Thomas s’en remet à Gunj pour l’aider à guérir sa blessure de cœur. C’est l’occasion de découvrir ce dernier personnage qui lui incarne l’idéal de l’humain véritablement accompli. Sa sagesse, son calme, sa sensibilité à l’autre, sa compassion, mais aussi son détachement et sa libération de toute souffrance témoignent de la réalité de sa réalisation qui est très crédible. Il est humainement très attachant, tandis que ses enseignements spirituels ont une portée d’autant plus profonde et pertinente. Tout comme la façon dont il va acculer Thomas à lâcher son attachement maladif à Mafat qui va enclencher son processus de guérison du cœur. Et cette séquence de guérison où il prend sur lui tout le sang de souffrance qui jaillit du cœur de Mafat est aussi très touchante et forte émotionnellement.
Thomas sort de la traversée de sa souffrance avec une nouvelle maturité : il s’est éveillé à l’amour véritable, inconditionnel et désintéressé qui lui a permis de renouer avec Mafat en lui-même. Il est alors libéré pour renouer également avec Carlos en retrouvant toute leur amitié perdue. Ce qui nous amène à la scène finale où Thomas, Carlos et Mafat sont réunis dans un même amour pur et apaisé. Mafat qui est enceinte s’y révèle une dernière fois en position de force, avec une maturité plus élevée que les deux Danseurs en tant qu’incarnation de la féminité et de la Mère Universelle.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

L’instruction de Gunj sur le rapport entre la réalité présente et la trame du temps, aussi bien qu’entre l’ici et l’ailleurs pourrait être condensée car elle se répète inutilement. Je l’ai intégrée tout de suite, de sorte que sa reprise m’a fait un effet de ressassement plutôt que d’approfondissement.

Je reste un peu sur ma faim concernant Ungern qui ne réapparaît plus, alors que j’imaginais une connexion à venir entre Carlos et lui parce qu’ils partagent la même enfance traumatique.