Critique de Florence P.

Synthèse

Florence P. – 24 ans – Master 2 Science de la Vie – Strasbourg 
Sensibilité littéraire : éclectique, Bernard Werber, Irène Frain « La forêt des 29 ».

LIVRE COMPLET  ♥♥♥♥  9/10*

Volume I  ♥♥♥♥  9

Volume II  ♥♥♥♥  9

Volume III  ♥♥  6

Volume IV  ♥♥♥♥  9

* la note chiffrée estime la qualité littéraire formelle et la note de cœur l’adhésion intime

En une formule

Le paradoxe d’une évasion dans un pur divertissement qui mène au cœur de la réalité pour éveiller notre conscience.

En quatrième de couverture

Après avoir vécu dans un coin de paradis préservé d’un monde ravagé, au bord de l’abîme, l’enfant Thomas est appelé par l’énigmatique Mongo pour rejoindre le Mongonastère sur une île secrète. Les milliards de cubes gris, organes de communication créés par Mongo qui relient les humains entre eux, ne pourront sauver l’humanité en péril que si un Élu, un Danseur accompli, réussira par leur entremise à la faire accéder à un niveau de conscience supérieur.
Ce sera le rôle attendu du jeune Thomas porteur d’un don caché, aussi bien que de son nouvel ami, le docile Carlos. Ils vont partir pour un long voyage intérieur destiné à élever leur niveau de conscience, ce qui se fera à travers de grandes épreuves et des découvertes fascinantes. Ils vont apprendre la force de l’amitié, les dangers de l’inconscience, la puissance de leur maître intérieur, mais aussi s’ouvrir à l’amour inspiré par la belle Mafat, sous toutes ses formes. Ce n’est cependant qu’en traversant leurs plus effroyables peurs enfouies dans la nuit de l’âme qu’ils parviendront à atteindre la lumière de la conscience, ce Graal porteur de guérison d’une humanité en souffrance qui ne se révèle qu’au prix du plus grand courage et du plus grand sacrifice.

Thomas revêt le visage de la conscience de chaque lecteur. En l’accompagnant dans son long et périlleux périple, il nous transmet une paix intérieure et un réconfort face à la confusion et l’incertitude de notre monde. Il nous rappelle en effet que nous en sommes tous, par essence, les cocréateurs et coresponsables. Et comme il nous a livré toutes les clés et la lumière pour engendrer un monde meilleur, il ne nous reste plus qu’à nous mettre en mouvement à partir de soi, en commençant par être heureux ici et maintenant.

Questionnaire

Quelle impression générale vous a fait le livre et qu’est-ce qui le qualifierait le mieux ?

Le livre m’a fait l’impression d’une invitation à un voyage intérieur, menant à porter plus d’attention aux autres et vivre davantage dans le présent, tout en étant conscient de l’importance de chacun et de sa responsabilité dans l’état du monde actuel.
Le livre aide à trouver une sorte de paix intérieure, tout en incitant à l’action et non à la contemplation passive.
Ce qui le qualifie le mieux : message d’espoir ; pouvoir de la  » goutte d’eau  » ; éveil de la conscience.

Que vous a-t-il apporté ?

Il m’a apporté dans un premier temps des instants de lecture reposants. Cependant, c’est un livre qui fait beaucoup réfléchir sur soi et sur le monde dans lequel nous vivons, aussi bien au moment de la lecture qu’une fois qu’on l’a reposé. Me sentant en phase avec l’essentiel du livre, je dirai qu’il m’a aussi apporté une certaine forme d’espoir et diminué un sentiment de désemparement ressenti parfois face aux problèmes de nos sociétés actuelles.

A-t-il éveillé votre conscience dans certains domaines ? Si oui, lesquels ?

Je pense effectivement qu’il a éveillé ma conscience mais je ne pourrai pas évoquer de domaines. C’est plus un état général, qui me pousse à vouloir redoubler d’effort pour m’ancrer plus dans le présent et l’attention à ce/ceux qui m’entoure/nt. Le reste va de soi.

Maintenant que vous l’avez terminé, percevez-vous sa cohérence d’ensemble et les liens nécessaires des différentes séquences dans le développement des thèmes ?

Absolument, et je suis convaincue qu’une seconde lecture du livre me permettrait de le redécouvrir sous un autre angle. Cette seconde lecture n’est toutefois pas nécessaire pour apprécier le livre et percevoir les liens entre les différentes séquences.

Maintenant que vous l’avez terminé, percevez-vous la raison d’être de l’anonymat de l’auteure en lien avec le sacerdoce des mongonastiques ? La trouvez-vous justifiée et nécessaire ?

L’anonymat de l’auteure a tout son sens, il est en parfaite cohérence avec le contenu du livre. Car il me semble prôner le désintéressement, le renoncement à l’enrichissement strictement personnel, pour tout centrer sur l’intérêt de la collectivité.

Considérez-vous que le livre peut avoir un impact bénéfique sur la conscience collective ?

Tout à fait, car au-delà du divertissement apporté par la lecture, chacun est nécessairement amené à prendre possession du contenu du livre, de ses réflexions. Chaque lecture nous fait évoluer, et L’Appel de Mongo nous invite à plus de pleine conscience et d’altruisme.

Selon vous, est-il accessible au grand public ?

Je pense malheureusement qu’il peut être difficile d’accès pour les jeunes générations, en raison d’un déplorable appauvrissement de leur vocabulaire. Toutefois, l’alternance des passages simples et complexes atténue cette potentielle difficulté. Le style contribue à la richesse du livre.

Selon vous, a-t-il un potentiel de succès de librairie ?

J’ignore à partir de quel moment on peut parler de succès, mais je suis persuadée que ce livre a le potentiel pour bien se vendre.

Une fois publié, le conseilleriez-vous à vos proches ?

Absolument. J’ai même déjà commencé à en parler autour de moi.

Volume I 

♥♥♥♥  9

Commentaire

J’ai beaucoup aimé. Le contenu est captivant et accessible à tous, dans le sens où on peut facilement se reconnaître dans les situations. Le texte par contre demande un certain niveau de français. Il utilise un vocabulaire riche et pas toujours courant, mais c’est ce que j’apprécie également. Le glissement narratif qui s’adapte aux changements d’environnement des séquences en prenant leur tonalité m’a d’abord déroutée par sa nouveauté en ne percevant pas tout de suite qu’il était intentionnel. Puis il m’est apparu être une qualité majeure du récit en accentuant l’immersion dans l’imaginaire et la proximité avec les personnages, du fait de ressentir ce qu’ils vivent de l’intérieur. A cela s’ajoute un mariage très réussi entre le fantastique et le réalisme. D’un côté, le fantastique procure le plaisir de s’évader dans un monde inconnu, de l’autre côté, le rendu réaliste des événements et des personnages lui donne de la crédibilité en faisant réfléchir.

Les moments invitant à la réflexion ponctuent de la sorte tout le livre.
La scène des enfants avec leur maître Zabir m’interpelle sur la valeur d’écouter un autre, de lui faire confiance et de s’en remettre à lui pour apprendre. Sa leçon sur la reconnaissance de la peur et comment la surmonter pour ne pas être son esclave m’invite à considérer mon propre vécu dans ma relation à la peur. Quand il montre aux enfants que le premier maître est soi-même et qu’il faut toujours s’écouter avant les autres, c’est un rappel à une réalité dans laquelle je me reconnais.
La description du monde de la Communication avec son aliénation me parle aussi, avec une humanité dominée par la peur qui fait l’autruche au fond des basses villes.
Thomas dans la cellule de transfert qui se bat en vain pour obtenir ce qu’il veut de Mongo avant de lâcher prise nourrit ma réflexion sur mes propres comportements. Il m’est arrivé de lutter pour obtenir un résultat sans succès, puis en abandonnant la lutte de voir les événements de la vie m’apporter une résolution au-delà de ma volonté. Cette scène montre aussi que Thomas tout en étant l’Élu désigné reste humain avec ses limites et ses faiblesses, il n’a pas tous les pouvoirs et doit composer avec ses limitations, comme nous tous.
La question de la liberté ou du fatalisme reste suspendue tout au long du livre sans fournir de réponse. La première partie expose le cas de conscience de la mère, de l’enfant et de Djack qui aboutit à un choix sacrificiel, chacun renonçant à son désir personnel pour servir un désir altruiste. Le sacrifice particulièrement douloureux de la mère montre que son choix ne lui enlève pas la souffrance mais la libère d’un poids intenable. Pour moi, cela m’évoque que ma liberté est bien réelle parce que je suis libre de choisir. J’ai le pouvoir de faire le bon choix pour être en paix avec ma conscience, ce qui a un prix qui peut aller jusqu’à la mort.
Mongo est la grande énigme. Il n’appelle pas la réflexion, mais une interrogation permanente. Est-ce une entité ? Un concept ? Une religion ? Il donne envie de connaître la suite dans un désir de révélation.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Tout est réaliste sauf le passage où Ungern éviscère Tombola. Ayant pratiqué les dissections au cours de mes études, je peux affirmer qu’ouvrir un ventre est beaucoup plus difficile.
Je note aussi quelques légères redondances.

Volume II 

♥♥♥♥  9

Commentaire

J’aime tout autant ce deuxième volume alors qu’il se démarque fortement du premier par son traitement. Il se lit autrement où c’est sa qualité pédagogique qui vient au premier plan. De ce point de vue il est très bien formulé, clair, logique, compréhensible sans effort jusque dans ses vues profondes. Il apporte des enseignements enrichissants dont on peut tirer profit, et des vues nouvelles très bien pensées qui ouvrent notre conscience à des horizons inattendus. Il stimule notre esprit critique en élaborant des réponses en profondeur pour ensuite les remettre en question. Il nous amène ainsi à reconnaître qu’il n’existe pas de solution miracle naïve aux grands défis de notre monde, ce qui nous incite à nous interroger nous aussi sur les issues possibles tandis qu’on suit le développement des idées qui s’enchaînent naturellement en s’élevant et s’affinant toujours plus.
Le grand questionnement sur la liberté et le déterminisme réapparaît également. Il s’approfondit de l’expression de la manifestation sans agir de Mongo, comme une image de la volonté toute-puissante de Dieu ou du conditionnement qui nous a façonnés et qui tire les ficelles de chacune de nos actions. Là encore, plutôt que de fournir une réponse toute faite, ça nous amène à nous interroger plus en profondeur sur la place de notre liberté dans notre existence conditionnée.

J’ai beaucoup aimé la présentation de la création monétaire et de la monnaie de dette. C’est clair, limpide, ça se lit très bien, ce qui est une belle performance pour un sujet ardu.
Tout le thème de l’attention est très bien vu. L’audimètre, l’audicratie, la monnaie d’attention, l’attention créatrice de richesse, la pauvreté en lien avec le rejet de l’attention, le vote continuel de notre attention qui nourrit et fait croître ce sur quoi nous la portons, la responsabilité de notre goutte d’eau dans ce vote. Il offre une vision inédite de ce qui est pourtant bien au cœur du pouvoir dans notre monde de la Communication, apportant une prise de conscience déterminante.
Je ne peux qu’apprécier sa critique de la publicité à travers l’industrie des croquants. Elle met bien en avant sa profonde perversité. Alors qu’elle est admise dans notre société, qu’elle est devenue omniprésente dans notre quotidien comme si la situation allait de soi, il est salutaire de rappeler que ça reste de l’énergie négative qui n’a rien de bénéfique à nous apporter. Elle fait perdre tout esprit critique en nous lavant le cerveau, elle nous manipule et corrompt les consciences, sans parler de toute la consommation de superflu qui se fait sous son emprise et qui s’accompagne de montagnes de gaspillages et de déchets.
L’analyse des problèmes socio-économiques de notre monde, suivie de leur solution révolutionnaire en lien avec les propositions de l’altermondialisme, aboutit à la conclusion éclairée que rien ne changera si on ne commence pas par changer à l’intérieur de soi. De même, le livre rappelle bien que toutes les informations sur la réalité de ces problèmes sont aujourd’hui disponibles sur le net, et donc indirectement aussi toutes les solutions, mais personne ne les regarde. La faute à l’audimètre, au rejet de notre responsabilité de notre goutte d’eau…
J’ai trouvé très bien venu le recours au doute des personnages de Thomas et du Dicteur qui garde en éveil notre esprit critique. Il permet de relativiser la position du Mongonastère en tant que détenteur d’un bien parfait pour sauver l’humanité. Il révèle ses failles, ses zones d’ombre qui invitent à les dépasser pour avancer, et en ce sens le doute est porteur et positif. Le Dicteur finit par craquer sous la pression de son doute torturant parce qu’il ne croyait plus à son message. Il s’est imposé des barrières pour s’interdire de douter, il s’est mis tout seul dans cette situation dans laquelle il s’est enfermé et qui l’isole des autres à cause de sa dissimulation. Puis quand son doute le submerge parce qu’il ne peut plus le taire, il accepte d’être simplement humain, de ne pas tout savoir et tout contrôler, son lâcher-prise le libère alors de son isolement, et il en sort grandi, apaisé, plus humain et plus proche des autres.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Rien à signaler.

Volume III 

♥♥  6

Commentaire

J’ai eu plus de difficultés avec ce troisième volume qui change à nouveau considérablement des deux autres. Il se tourne vers le religieux qui ne m’est pas familier en développant des pensées par de grandes abstractions que j’ai eu du mal à suivre. Autrement, la poursuite du récit sur le plan romanesque plus concret reste toujours aussi prenante. L’évolution des personnages, leurs interactions, les nouvelles révélations du Mongonastère, les intrigues et les rebondissements continuent d’enrichir l’histoire en donnant envie de connaître la suite et fin du dernier volume.

J’ai beaucoup apprécié la façon d’enseigner de Gunj qui montre ce que peut être une pédagogie vivante et éveillée. Sa leçon sur Einstein et Newton est amusante, intéressante, et cohérente pour expliquer les mutations de Mongo.
L’apparition de l’Ogre a été une surprise. Il accompagne bien le cheminement de Thomas à la rencontre de sa peur. Après l’avoir découvert, Thomas se jette avec Carlos dans le four noir qui va déclencher leur hostilité et montrer sa peur dans tous ses états. L’Ogre y réapparaît comme le reflet de sa peur sous forme d’une puissance intrigante qui vit dans le noir où il encourage le négatif en nous, parce que dans le noir personne ne nous voit et il est plus facile de lâcher le négatif.
Le sanctuaire des Danseurs accomplis est surprenant et rassurant. Leur corps est là, dans un sourire de béatitude qui montre qu’ils ont atteint le bien suprême. Ils sont dans une autre dimension tout en étant présents, ce qui établit un lien plus concret avec leur accomplissement.
Dans tout son périple qui commence par sa peur de la rencontre intime avec Mafat, provoquant blocage et négativité, Thomas montre finalement qu’il est comme tout le monde. Il apparaît comme le symbole du pire et du meilleur qui peuvent sortir de l’homme.
Une fois libéré de la peur de lui-même, il peut retrouver Mafat pour l’aimer sans conflit. J’ai bien aimé leur deuxième rencontre pour la nuit d’amour. On alterne entre les perceptions de Mafat et de Thomas dont les vécus très différents se mélangent et convergent peu à peu. Ils deviennent de plus en plus proches en se comprenant et se sentant toujours plus semblables sur l’essentiel, leur ouverture à l’autre grandit, de même que leur abandon, leur confiance, leur sensibilité, et toute leur élévation vers l’union est bien perçue.

J’ai trouvé le thème de la mort très bien mené et très intéressant. On reste dans le factuel du saut dans l’inconnu avec une analyse psychologique du processus. En partant de l’exemple de la petite mort de l’enfance nécessaire pour renaître dans l’adolescence, on voit comment nos vies sont parcourues de petites morts et de renaissances qui sont nécessaires pour avancer. Mais chaque transition est une épreuve plus ou moins douloureuse où s’activent les conflits du jugement face à l’inconnu. Car le changement fait peur, ce qui renvoie indirectement au volume II sur le blocage de notre société dans la voie de la croissance infinie. Nous devons sortir de ce modèle qui détruit la planète, mais pour changer il faut accepter que quelque chose meurt, et nous ne changerons pas tant que nous n’aurons pas dépassé la peur de l’inconnu qui est dans toute mort et tout renouveau.
Le thème d’être avec m’a marquée, l’idée est très bien.
Le thème du miroir qui établit le rapport entre l’intérieur et l’extérieur, j’ai eu du mal à le comprendre au début du volume, mais c’est devenu plus clair avec l’explication méditative approfondie de la dernière partie.
Si j’ai été moins séduite par ce troisième volume plus difficile à lire, je reconnais a posteriori que c’est celui qui m’a fait le plus réfléchir après lecture, où ses grands questionnements spirituels restent en tête.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Ma réticence porte essentiellement sur la présentation des thèmes religieux. Ils sont développés dans des pensées abstraites très étendues dans lesquelles j’avais tendance à perdre le fil, parce que je ne suis pas très réceptive aux abstractions et par manque d’intérêt. J’ai trouvé alors qu’elles étaient inutilement insistantes, rébarbatives, mais aussi qu’elles avaient parfois un côté moralisateur un peu dérangeant. Notamment le thème de la faute originelle, comme si nous étions condamnés depuis la nuit des temps à subir une punition pour avoir fait quelque chose de mal, ça échappe complètement à mes convictions. Je comprends l’intention de mettre en avant la responsabilité de nos actions dont nous devons assumer les conséquences, mais ici c’est souvent trop chargé, et ça a un effet culpabilisant comme de se sentir montré du doigt qui est mal venu.

Volume IV 

♥♥♥♥  9

Commentaire

J’ai adoré ce dernier volume dans son ensemble et pour l’enchaînement de toutes ses parties qui sonnent juste. Alors qu’on retrouve à nouveau de longs développements de pensées abstraites, contrairement au volume précédent, j’y ai été cette fois curieusement très réceptive et en accord, ne percevant plus l’impression de culpabilisation antérieure.
Tous les grands thèmes du livre aboutissent ici à leur résolution, sur le plan du récit comme sur le plan spirituel des idées. Et c’est une résolution heureuse, lumineuse, d’une profonde cohérence. Elle procure une forme de paix intérieure face à la confusion et à l’incertitude du devenir de notre monde. Après nous avoir emportés dans son univers fantastique durant les quatre volumes, les énergies du livre culminent dans sa fin ouverte qui nous reconnecte à notre réalité propre. On ne pouvait pas concevoir de meilleure fin : elle encourage à agir en nous rappelant notre pouvoir et notre responsabilité, elle apporte de l’enthousiasme et donne de l’espoir en l’homme.

La rupture de Thomas et Mafat n’a pas été une surprise, leur passion extrême ne pouvait certainement pas durer. La scène montre les points de vue des deux personnages, leur état d’esprit différent, procédé déjà employé que je trouve très intéressant. La scène en elle-même est poignante, le déchirement des deux amants très bien ressenti.
Les personnages sont là encore poussés aux extrêmes, par des comportements et des émotions très contrastés. Ils ont toujours deux dimensions, l’une mythologique très élevée, et l’autre bassement humaine et triviale, ce qui permet de révéler en eux le pire comme le meilleur. Ce mariage constant de la double dimension des personnages est une des grandes caractéristiques du livre qui fait son attrait et sa singularité. Car il met ainsi en évidence la racine du mal comme du bien qui les anime, et qui va être exploré par la suite dans le cheminement de guérison de Thomas.
Thomas s’est montré puéril et égocentrique avec Mafat. Son entretien avec l’Ogre, entité perturbante, comble du narcissisme et tentateur de la négativité, le pousse à aller au bout de son comportement égocentré, lui faisant réaliser indirectement qu’il n’en obtiendra que plus de souffrance. L’Ogre apporte le message qu’en se laissant posséder par ses émotions négatives, on peut facilement plonger dans le délire. La clé est d’accepter de reconnaître la présence de ses émotions négatives pour les dompter, pour ne pas se laisser inconsciemment dominer par elles.
Tout cela prépare Thomas à accepter de se faire soigner et éclairer par Gunj. Le déclic se produira lorsqu’il reprendra contact avec le cœur en souffrance de Mafat, enclenchant le processus de guérison du cœur. C’est un passage symbolique fort et crédible. Toute son énergie centrée sur la préoccupation de lui-même était occupée à le détruire. Elle s’inverse en énergie positive dès qu’il s’ouvre à nouveau à l’attention des autres. Thomas va mieux, mais Mafat aussi, car malgré la distance physique son changement d’état lui a été transmis également.

J’ai beaucoup aimé l’évocation de l’acte neutre générateur d’effets néfastes. C’est très bien pointé, très bien écrit, et très important pour la prise de conscience de la responsabilité de notre passivité et inaction.
J’ai aussi été réceptive au thème de la tension des opposés devant la frontière présenté à la fin du livre, montrant que l’équilibre est dans le juste milieu entre les extrêmes.
Après que Carlos a été victime de la haine de Thomas, leur réconciliation finale est réjouissante. On a le plaisir de découvrir un peu plus Carlos, accédant aux clés d’un personnage resté secret et en retrait. Leur amitié fusionnelle est encore plus grande après l’épreuve. Ils sont délivrés de toute forme de jalousie pour aimer ensemble la même femme, nous rappelant au passage que la jalousie reste injustifiable et pathologique.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Rien à changer.