Critique de Fanny V.

Synthèse

Fanny V. – 22 ans – licence de psychologie, étudiante BTS commerce
Sensibilité littéraire : éclectique, classiques, A. Nothomb

VOLUMES I ET II*  ♥♥♥

Épisode 1  ♥♥♥

Épisode 2 ♥♥♥

Épisode 3 ♥♥♥ 

Épisode 4 ♥♥♥

* Le test 1 s’est limité aux deux 1ers volumes, chaque volume contient 2 épisodes

Premier épisode

♥♥♥

J’ai beaucoup aimé bien que le fantastique ne soit pas un genre que j’apprécie particulièrement.
Ce premier épisode ne peut à l’évidence pas se lire comme un roman à part entière, parce qu’il suscite tout un monde de mystères à explorer dans les épisodes suivants qu’on ne peut absolument pas en rester là.
J’ai plongé très agréablement dans le récit qui se visualise naturellement sans effort. Les personnages s’imposent tout de suite dans leur expression propre, ils deviennent vite familiers et attachants, mais ils sont encore difficiles à cerner à ce stade de la lecture, en dehors du vieux Dicteur dont le visage austère imprime clairement sa personnalité. Le style est clair et simple, les dialogues très naturels et dynamiques.
J’ai juste décroché avec la scène de la transe, ce qui n’est pas une critique en soi mais parce que je suis personnellement hermétique au psychédélisme. Autrement la scène d’amour très crue me paraît au final bien à sa place dans l’histoire. Elle m’a d’abord déroutée, ébranlée, interpellée, puis j’ai trouvé qu’elle mettait de l’authenticité et de la profondeur dans la relation des amants qui au départ était un peu fleur bleue et platonique, faisant alors émerger plein de questions sur l’interaction obscure entre les sexes.

Deuxième épisode

♥♥♥

J’aime toujours autant et j’ai toujours autant envie de poursuivre la lecture.
Je retrouve avec plaisir les mêmes qualités d’écriture du premier épisode : récit prenant qui se visualise aisément, personnages forts et expressifs, changements de situation et rebondissements qui relancent constamment l’intérêt, intervalles pédagogiques qui enrichissent les événements du récit en exposant des idées novatrices avec clarté et profondeur.
J’espérais découvrir dans ce deuxième épisode ce qu’il allait advenir de la mère de Thomas, si celui-ci allait tenir sa promesse et retrouver la petite Cerise. Mais on quitte résolument l’univers du village pour plonger dans deux autres univers parallèles, le Mongonastère et les basses villes, qui donnent alors au livre une amplitude considérablement élargie. Car le développement de ces autres univers qui s’ignorent les uns les autres semble préparer leur rassemblement dans quelque chose de beaucoup plus vaste qui se profile à l’horizon. Et après avoir assimilé cette longue préparation, j’ai hâte maintenant qu’elle porte ses fruits en me dévoilant les clés du mystère qui me permettront de comprendre l’interaction de tous ces univers entre eux.

Troisième épisode

♥♥♥

On change encore de registre en s’éloignant de la dimension romanesque pour entrer dans un épisode résolument explicatif, et c’est vraiment bienvenu, comme s’il arrivait à point pour éclairer tous les éléments nébuleux des épisodes précédents en dévoilant leur raison d’être et leur lien avec l’édification de Mongo. Et ça devient encore plus captivant quand on comprend rétrospectivement que toute l’intrigue tient la route en obéissant à une architecture très élaborée mise en place depuis le début de l’histoire. Mais malgré toutes les explications données sur la réalité de Mongo, celui-ci garde une part indéfinissable et inaccessible qui renforce encore sa présence mystérieuse.
Avec la description du monde de la Communication, du fonctionnement des cubes, de la manipulation des croquants, on touche à un univers plus métaphorique que fantastique qui met en relief d’une manière extrême une réalité du pouvoir de la Communication qui est déjà la nôtre. Et j’ai trouvé que c’était là le plus bel effet de cet épisode, car il nous fait voir à la loupe des fonctionnements auxquels je ne faisais pas trop attention, et qui se révèlent terriblement justes et percutants.

Quatrième épisode

♥♥♥

J’ai commencé à m’habituer au changement de registre à chaque épisode, mais là j’avoue qu’il atteint un sommet dans la nouveauté qu’il propose et qui clôture magnifiquement le livre. Avec ce dernier épisode, je suis encore plus impressionnée de découvrir la cohérence de tout l’ensemble, une cohérence qui ne se situe pas seulement au niveau du récit mais qui intervient également à d’autres niveaux, principalement en reliant le fantastique à notre réalité présente où tout d’un coup la mise en œuvre de tous les développements antérieurs révèle son sens caché d’activisme politique.
La grande originalité et l’audace de ce dernier tome est qu’il rompt carrément avec l’ambiance romanesque des tomes précédents en prenant une tournure socio-économique qui met de côté l’histoire des personnages. L’Œuvre de Mongo y apparaît comme un mouvement libérateur de l’humanité au sein du monde de la Communication, et bien qu’à travers elle on ne quitte jamais complètement le contexte fantastique, on assiste à une analyse de l’état actuel de notre monde très pointue, rigoureuse, détaillée, approfondie et encore plus originale dans ses propositions qu’elle rend tout l’ensemble terriblement crédible et captivant.
J’avoue que c’est ce qui m’a le plus marquée du livre et que j’ai le plus aimé au final. Je pense néanmoins que ce procédé ne doit pas être au goût de tous les lecteurs, notamment ceux qui abordent le livre comme un roman sans se sentir concernés par son côté sociétal. Parce qu’il occupe une très longue place dans ce tome, ils risquent peut-être de décrocher sans avoir la patience d’attendre de renouer avec l’intrigue romanesque qui est pourtant bien au rendez-vous au bout de cette longue leçon de politique-fiction passionnante. Elle termine le livre en relançant l’imaginaire du lecteur sur un horizon radieux possible pour l’humanité, à condition que nous agissions collectivement en retrouvant la foi en notre pouvoir d’être humain d’accomplir l’impossible, ce pouvoir véritablement divin qui a poussé l’homme des cavernes à voler le feu des dieux avant de parvenir à conquérir la lune.