Critique de Marie J.

Synthèse

Marie J. – 50 ans -DEA Sciences de l’éducation, professeure de religion en collège
Sensibilité littéraire : Stendahl, Voltaire

VOLUMES I ET II*  ♥♥♥ 

Épisode 1  ♥♥♥ 

Épisode 2 ♥♥♥

Épisode 3 ♥♥♥

Épisode 4 ♥♥♥

* Le test 1 s’est limité aux deux 1ers volumes, chaque volume contient 2 épisodes

Premier épisode

♥♥♥

L’histoire est très agréable à lire, se mémorise bien et reste clairement en tête. Dès que j’ai été prise dans le récit, j’ai eu du mal à le lâcher jusqu’à la fin. Le style est fluide et poétique, chaleureux.
Les personnages sont touchants et attachants, tous positifs et d’une grande humanité. Leur interaction a une forme de pureté et d’innocence, à partir des enfants, mais aussi entre Ambre et Djack jusque dans leur ébat sexuel car s’il est crûment exprimé, il n’a rien de malsain mais révèle la profondeur de leur attirance mutuelle. La sagesse de la trisaïeule fait bien sentir qu’elle est le pilier inébranlable de leur communauté.
La vie au village ressemble à un paradis où je voudrais demeurer.
La fonction sociale et salvatrice de la fête de l’An Neuf est très juste et très bien vue. Elle me rappelle les fêtes de carnaval et de vaudou de mes origines antillaises, où notamment des femmes masquées prennent leur revanche sur les hommes en choisissant et « chauffant » celui qui leur plaît, ce qui donne une pertinence particulière à la scène sexuelle comme défouloir des inhibitions.
J’ai très envie de me plonger dans la suite du livre pour découvrir ce qui va advenir des personnages : l’enfant que porte Ambre, si Thomas va tenir sa promesse, et quelle est la nature du mystérieux Mongo.
Seule remarque négative : le manque de virgules sur de nombreux passages. Comme je chante des Gospels, j’ai l’habitude de lire à voix haute, et j’ai trouvé que beaucoup de virgules manquaient pour bien scander le texte.

Deuxième épisode

♥♥♥

Ça se lit toujours très bien. L’apparition de nouveaux personnages et de nouvelles situations relance la dynamique du livre qui de ce fait reste captivant. Le moment où Thomas « lâche prise » face à Mongo dans la cellule de transfert, ce qui déclenche sa première communication, m’a fait un effet profond. La noirceur des basses villes est oppressante, le personnage « déchu » d’Ungern avec Tombola et les esclaves sexuelles décrivent des comportements poussés à l’extrême mais qui n’évoquent que trop bien l’attitude générale des humains dominés par la peur qui reste la plus répandue sur terre.
Dès qu’on quitte la scène de torture finale pour retrouver le cirque majestueux avec les deux enfants, on respire enfin. L’évocation de la beauté de la nature et la communion des enfants avec elle m’évoque les béatitudes que j’aurais aimé mieux connaître dans ma propre enfance. À la fin de l’épisode, l’apparition de la petite Mafat liée mystérieusement à l’ondine (la fée d’eau, la fontaine d’amour) que Thomas rencontre dans la cellule de transfert dans sa nouvelle communication avec Mongo, laisse présager qu’elle va avoir une certaine importance dans la suite du livre, ce qui ajoute une nouvelle intrigue attirante, d’autant qu’elle m’apparaît comme un écho de la petite Cerise.

Cette fois, le manque de virgules ne m’a plus dérangé, dès lors que j’ai intégré que ce n’est pas une faute mais un choix intentionnel de l’auteure dans sa manière de scander le texte.

Troisième épisode

♥♥♥

Ça se lit toujours très agréablement. Je reste surprise par l’originalité foisonnante et la richesse d’imagination qui continuent de se déployer, mais ce que cet épisode a en plus, c’est que ce foisonnement qui pouvait donner l’impression de s’égayer au petit bonheur se rassemble maintenant à travers la révélation du mystère de Mongo pour nous faire découvrir sa cohérence profonde. À travers la description approfondie de Mongo en tant que Maître de la Communication, un éclairage se produit sur ce qui restait confus dans les épisodes précédents en liant tous les événements entre eux. Elle nous fait réaliser que toute cette imagination débordante obéit depuis le début à un plan mûrement réfléchi où rien n’est laissé au hasard, et c’est pour moi la plus grande surprise du livre.
Je n’ai pas trop accroché à toute la partie critique et explicative sur la manipulation des croquants et de la Communication derrière eux, cela sans doute parce que je ne me sens pas trop concernée, n’ayant jamais voulu de télé et zappant systématiquement la publicité quand je tombe dessus.
Ce qui m’a le plus accrochée est la présentation des règles de conduite et de l’éthique appliqués à la communauté monastique, ainsi que tout ce qui évoque le monde spirituel. Les Trois Règles de Mongo dont son Silence sont comme des attributs déguisés de Dieu, la démonstration de la suprématie du libre arbitre sur notre conditionnement est originale dans son propos et très convaincante. En tant que théologienne, ces thèmes me sont familiers et j’apprécie d’autant plus de les voir traités ici avec une grande rigueur dans un contexte fantastique.
Enfin je me suis réjouie d’apprendre à la fin du livre que la mère de Thomas s’était bien remise de son départ, qu’elle avait une fille avec Djack, car je continuais de me préoccuper de son sort.

Quatrième épisode

♥♥♥

Le fait d’entrer dans la longue analyse politique m’a fait décrocher du contexte romanesque du livre auquel je m’étais attachée, pour n’y revenir que bien plus tard où à partir de là je n’étais plus en mesure d’anticiper la suite du récit, m’obligeant à rompre ma tendance à imaginer le futur des personnages et des situations.
Passé cette impression déroutante où j’attendais tout de même de revenir à la dimension romanesque qui m’imprégnait si bien, j’ai été peu à peu séduite puis conquise par cette longue analyse politique qui m’a appris énormément de choses de manière claire et concise. La racine de la dette, l’impasse de la croissance, la toute-puissance de l’empire financier, la fin inéluctable du travail productif, le pouvoir de l’audimètre, autant de thèmes dont j’avais vaguement entendu parler mais qui ici sont explicités en profondeur dans toutes leurs implications, ce qui me permet à présent d’en avoir une compréhension globale intégrée aux enjeux décisifs actuels pour l’humanité.
On en ressort avec un éclairage lucide qui chasse le brouillard du marasme planétaire empreint de fatalité en désignant clairement la racine des principaux maux qui nous affligent et les remèdes que l’on peut leur appliquer. Évidemment, tout cela invite à une forme d’activisme et de sens de la responsabilité plus engagé dès lors qu’on est convaincu de la crédibilité des remèdes. Je trouve cependant toujours aussi difficile d’y mettre de l’enthousiasme tant l’obstacle semble insurmontable, la force négative à l’œuvre dans le monde si puissante et omniprésente.
Du coup, j’ai adoré le passage sur l’art et la musique classique qui offre un contraste réjouissant et décontractant face à l’horreur du monde. Le propos original sonne très juste et donne une bouffée d’espoir en l’humanité en nous rappelant la beauté du pouvoir créateur humain.
Enfin, quand j’ai renoué avec la dimension romanesque en retrouvant l’intensité dramatique des personnages, après avoir été pénétrée de leur tourments et de la chute du Dicteur suivi de sa résurrection, c’est comme si le souffle de leur combat pour le bien m’avait traversée en me communiquant un peu de leur enthousiasme et de leur foi en la victoire, le livre s’achevant fort heureusement sur un horizon confiant ouvrant sur une nouvelle espérance.