Critique de Jérôme C.

Synthèse

Jérôme C – 40 ans – Master franco-allemand (Leipzig) – Exploitant de transport – Alsace
Sensibilité littéraire : éclectique, littérature classique, russe et contemporaine, Goethe, Zola, Dostoïevski, Stephen King.

LIVRE COMPLET  ♥♥♥♥  9,8/10*

Volume I  ♥♥♥♥  10

Volume II  ♥♥♥♥  9

Volume III  ♥♥♥♥  9,5

Volume IV  ♥♥♥♥  10

* la note chiffrée estime la qualité littéraire formelle et la note de cœur l’adhésion intime

En une formule

L’art de s’oublier soi-même pour rencontrer l’Autre et devenir Un où plus rien ne manque.

Ne cherchez plus : voici le panneau indicateur à l’attention de notre humanité déboussolée pour retrouver le chemin du paradis perdu.

En quatrième de couverture

Si vous croyez encore qu’il existe des alternatives plus réjouissantes au moins pire des mondes possibles dans lequel l’élite régnante nous enferme, ou si vous croyez que même sans cela le vrai bonheur est accessible ici et maintenant indépendamment de la folie du monde, la portée révolutionnaire de ce grand livre vous comblera au-delà de vos attentes.
En nous plongeant dans un univers dystopique où règne le pouvoir de la Communication, il projette dans notre conscience une image attrayante pleine de mystère pour le seul plaisir de nous divertir. Nous voilà embarqués dans une épopée captivante en compagnie de personnages attachants qu’on ne veut plus quitter, quand peu à peu des miroirs apparaissent au cœur du divertissement qui reflètent l’état actuel de notre monde et de notre propre réalité intérieure. L’odyssée se poursuit dans la grande image mais elle nous mène maintenant à la rencontre de soi-même, nous faisant traverser les ténèbres les plus profondes de l’âme avant de rejaillir à la lumière.
On sort du livre comme d’un sortilège. L’image support du divertissement s’est évaporée dans la pure énergie créatrice qui nous est infusée pour un nouveau commencement. Nous réalisons qu’elle était une illusion, tout comme nous étions nous-même perdu dans l’illusion du monde. Au cours de la lecture, toutes les graines de l’éveil ont été semées dans notre conscience pour nous donner les moyens d’engendrer un monde meilleur, en commençant par être heureux ici et maintenant.

Questionnaire

Quelle impression générale vous a fait le livre et qu’est-ce qui le qualifierait le mieux ?

Le premier qualificatif qui me vient est  » charmant  » au sens du Moyen Âge d’être sous l’emprise d’un charme qui s’est emparé de moi de la première à la dernière ligne.
Il est captivant, surprenant, intéressant, et marquant car il reste en tête après la lecture, donnant envie de mettre en pratique ses leçons de sagesse.
L’écriture est maîtrisée dans tous ses aspects (romanesque, épopée, érotique, analytique, spirituel, force des personnages). Rien n’est en trop, tout est à sa place et s’emboîte dans des liens nécessaires qui s’éclairent mutuellement. Et ça se lit tellement bien, avec fluidité, clarté, intensité et une attraction constante.

C’est un livre qui donne de l’énergie :
1- pour être emporté dans le courant du récit comme dans une cascade ;
2- pour l’intensité des scènes érotiques qui transmettent de l’énergie vitale ;
3- pour les scènes de transe et surtout la Danse finale des mongonastiques qui fait fusionner l’œuvre collective en libérant de l’énergie pour impulser un nouveau commencement chez le lecteur ;
4- pour la source profonde de l’inspiration du livre chargée d’énergie spirituelle.

Que vous a-t-il apporté ?

Une réflexion sur moi-même avec des éclairages déterminants sur la source de la souffrance liée à l’illusion du mental et la clé concrète pour s’en délivrer.
Une invitation à s’oublier soi-même pour retrouver le chemin de la plénitude et mettre fin au manque illusoire.
Des informations éclairantes sur différents sujets (économiques, écologiques, état du monde…)

A-t-il éveillé votre conscience dans certains domaines ? Si oui, lesquels ?

Oui. Il m’a éveillé dans ma recherche sur moi-même.
Il m’a fait voir comment notre environnement médiatique omniprésent nous conditionne à l’individualisme, à la recherche d’attention et de gloire pour se sentir exister, et donc à l’incitation permanente à cultiver une image de soi attractive et parfaite. Comme c’est un but illusoire inaccessible, il est le moteur de l’insatisfaction, du manque et de la souffrance que l’on se créé soi-même. Le remède est de revenir ici et maintenant, d’accepter l’instant présent qui détruit l’illusion du futur où est projetée notre image de soi en attente de gloire dans la télé-réalité ou ailleurs.
Il m’a éveillé au bienfait de s’accepter soi-même, à la compréhension de l’équilibre intérieur qui consiste simplement à lâcher notre attachement à l’irréel, le monde inconscient des projections, pour revenir automatiquement au centre de soi-même où on est entier et où rien ne manque.

Maintenant que vous l’avez terminé, percevez-vous sa cohérence d’ensemble et les liens nécessaires des différentes séquences dans le développement des thèmes ?

Oui, il est totalement cohérent en tant que roman d’initiation, car tous ses différents aspects se rassemblent pour servir un même éveil de conscience. Il y a un emboîtement logique d’un volume à l’autre par une élévation graduelle. Le vol I installe l’univers et ses enjeux par une forte accroche initiale qui incite le lecteur à se plonger dans les volumes suivants ; le vol II donne les savoirs fondamentaux de l’état du monde aboutissant à l’inconscience comme racine du mal ; le vol III entame une plongée introspective d’interrogation sur soi-même pour déterrer la racine du mal en soi; le vol IV parachève l’introspection en déterrant la racine du mal qui engage à l’action positive sur le monde par une puissante montée d’énergie transmise au lecteur.

Maintenant que vous l’avez terminé, percevez-vous la raison d’être de l’anonymat de l’auteure en lien avec le sacerdoce des mongonastiques ? La trouvez-vous justifiée et nécessaire ?

Oui, car c’est une recherche que chacun doit mener seul. Et non, car c’est dommage que l’auteure ne soit pas connue des lecteurs qui aiment son œuvre.

Considérez-vous que le livre peut avoir un impact bénéfique sur la conscience collective ?

Oui, à condition que les gens prennent le temps de le lire.

Selon vous, est-il accessible au grand public ?

Si par grand public, on entend les lecteurs de romans de gare, non il ne l’est pas. Car trop long, et trop individuel (tout le monde n’a pas forcément envie de se remettre en question).
Mais si on entend large public, là oui. Car il s’adresse aux hommes comme aux femmes de tous âges et de toutes conditions qui peuvent être touchés et concernés.

Selon vous, a-t-il un potentiel de succès de librairie ?

Oui, clairement. Ce serait même une très bonne chose de le faire lire dans les lycées.
Outre sa grande qualité littéraire et son traitement vivant et captivant, il doit pouvoir intéresser beaucoup de gens attirés par le développement personnel, la réflexion sur les religions, l’écologie, des alternatives à la pensée dominante, des issues au désastre du monde…

Une fois publié, le conseilleriez-vous à vos proches ?

Oui, et c’est déjà fait.

Volume I 

♥♥♥♥  10

Commentaire

J’ai énormément accroché à ce premier volume qui est aussi prenant et captivant qu’un Stephen King. Il m’est même arrivé de poursuivre la lecture au cours du repas tant j’étais pris dedans… L’écriture est très maîtrisée pour donner un livre simple à lire, facile d’accès, où toutes les situations se visualisent clairement sans effort, comme devant un écran de cinéma. Le texte reste fluide tout du long, sans accroc, il nous emporte dans son courant comme une cascade.
Dans ce premier volume, l’auteure dispose ses pions, met en place les pièces d’un échiquier qui laisse pressentir le déploiement d’une vaste construction qui nous attend dans les volumes suivants. C’est comme ça qu’apparaissent les principaux personnages. Ils ont une identité forte, des caractéristiques extrêmes, une existence hors du commun où chacun semble soumis à un destin puissant. Leur présence est marquante, criante de vérité, si bien qu’on se sent vite proche d’eux et qu’on n’a pas envie de les quitter. Le premier volume se referme avec le désir d’en connaître plus sur eux, de découvrir leur évolution et leurs interactions mutuelles, ce qui nous prédispose tout naturellement à plonger dans la suite du livre.

Des personnages marquants, je retiens particulièrement la trisaïeule tellement hors d’âge qu’elle est comme un esprit immatériel, Djack énigmatique, tourmenté et complexe, mais surtout le Baron Ungern. C’est avec lui que j’ai ressenti la plus forte identification. Il est un ange déchu, possédé par le mal, à la fois victime et bourreau. Le personnage est fascinant par sa démesure qui pointe vers la part du mal, son interrogation et sa lutte, qui est en tout être humain. Il sent qu’il est le jouet d’une puissance supérieure, esclave de son conditionnement de souffrance qui a fait de lui le monstre qu’il est devenu. Il se sait faible et tout petit devant cette puissance aveugle, il est plein de doutes, mais il ne renonce pas pour autant à sa quête métaphysique de certitude ultime, et il a pour cela toutes les audaces en allant jusqu’à défier Dieu, le Créateur et premier Responsable de sa terrible condition. J’ajoute qu’Ungern en allemand a le sens d’ »à contre-coeur », un nom que l’auteure n’a certainement pas choisi au hasard.
Dans le registre de la démesure, j’ai aussi beaucoup aimé la fête du village qui culmine avec la transe dans une invitation à tout lâcher. Sa description est particulièrement réussie car je me suis senti porté, totalement en immersion dans son atmosphère psychédélique. Puis après avoir goûté les hauteurs célestes de l’âme, la retombée dans les exigences de la chair apparaît comme son complément naturel où la dualité âme-corps mérite tout autant d’être satisfaite. On bascule alors dans la scène sexuelle que j’ai trouvée très réussie et tout à fait à sa place. Elle est le prolongement de la fête orgiaque dans son invitation à tout exprimer librement, sans retenue et sans tabou. Quand Djack est sous l’emprise de ses pulsions qu’il ne contrôle pas, comme un écho à Ungern, la violence qui le possède et qui menace de massacrer Ambre montre bien sa réalité cachée ou refoulée dans l’être humain. Après avoir laissé remonter la dangereuse énergie de sa part d’ombre, il parvient finalement à la surmonter en l’intégrant à sa conscience dans l’amour retrouvé. Il s’agit là d’une saine délivrance de la violence que l’on porte en soi, tandis que son refoulement me rappelle qu’il est à l’origine de toutes les guerres qui n’attendent que d’éclater pour expulser notre violence sur un ennemi désigné sur lequel est projetée notre ombre refoulée.

Derrière tous les personnages se tient l’énigmatique Mongo. Est-ce Dieu ? Une intelligence artificielle créée par l’homme qui a atteint le pouvoir de Dieu ? Si on ne sait encore rien de ce qu’il peut être, tout laisse entendre qu’il tire les ficelles des destins. Les principaux personnages se sentent manipulés par un destin implacable, où toute leur lutte et leur interrogation tournent autour d’un désir de se libérer du conditionnement dont ils sont prisonniers, comme si la seule expression possible de leur liberté était dans leur pouvoir de dire Non à Mongo.
Cependant, une autre approche de la liberté est suggérée quand Thomas essaye de communiquer avec Mongo dans la cellule de transfert. C’est sa résistance et sa volonté propre qui bloquent tout, mais dès qu’il renonce à imposer sa volonté, qu’il accepte et se soumet, la communication s’établit. De même qu’il est dit que c’est dans la soumission que l’on trouve Dieu… et peut-être la liberté.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Rien à signaler.

Volume II 

♥♥♥♥  9

Commentaire

Tout le volume apparaît comme un cours magistral proféré par le Dicteur à ses deux élèves dans l’espace de deux journées intenses. Il suspend le dynamisme du premier volume pour nous installer dans une longue parenthèse statique au caractère pédagogique marqué. Passé la petite frustration de devoir quitter ce dynamisme dans lequel j’étais si bien entraîné, l’attrait se poursuit à un autre niveau. D’abord dans la découverte de l’origine de Mongo, de sa fonction, de son lien au monde, des enjeux de la Communication, qui révèlent un univers imaginaire très élaboré et orchestré. Puis surtout dans la présentation des idées, idées souvent neuves et originales, parfois surprenantes, toujours pertinentes. On se retrouve dans un roman d’initiation qui invite le lecteur à se joindre aux deux élèves pour apprendre avec eux. Ayant été professeur et puisque l’intention du livre est ici d’instruire et d’éveiller, je dois dire que sur le plan pédagogique il est tout à fait réussi, très clair et efficace. Les idées ressortent bien, elles s’enchaînent dans une logique nécessaire, se rassemblent dans une vision d’ensemble cohérente, on suit et assimile tout les développements facilement de sorte que la lecture reste agréable et prenante.

Des idées exposées, je retiens particulièrement la nécessité de sortir du travail productif. N’étant pas politisé, je suis peu au fait de ces nouvelles problématiques et je trouve celle-ci très pertinente. De même, j’ignorais tout du mécanisme de la création monétaire et de la monnaie de dette qui a été une vraie révélation. Alors que l’économie financière donne plutôt envie de fuir tant elle reste obscure et incompréhensible, c’est tout le contraire dans le livre. Les bases fondamentales sont présentées simplement et clairement, on y voit enfin clair sur l’essentiel, ce qui rend le propos passionnant. Ces bases acquises vont nous permettre d’embrayer ensuite sur la monnaie d’attention créée par Mongo, une métaphore très parlante du pouvoir de l’attention génératrice de richesse qui règne déjà dans le monde d’Internet et des médias. La loi de l’attention qui veut que « tout ce sur quoi nous portons notre attention grandit » est très éclairante elle aussi, car elle suffit effectivement à elle seule à expliquer tout le mécanisme du pouvoir dans le monde de la Communication. Elle débouche sur l’audicratie qui renvoie à la responsabilité de notre goutte d’eau, la responsabilité du pouvoir de notre attention qui génère de la richesse là où nous la dirigeons. Ça me fait songer aux émissions de télé réalité qui sont bêtes et dégradantes et qui continuent de rapporter énormément d’argent, parce que quand on tombe dessus quelque chose se passe, le fait que tant de monde les regarde nous pousse irrésistiblement à regarder nous aussi.
Je pourrais encore citer le développement sans fin de Mongo qui augmente autant le positif que le négatif, la perte de la capacité d’attention comme explication plausible du déclin de la musique classique, le fléau de l’inconscience qui pour moi relève autant de l’indifférence et qui renvoie alors à la perte du religieux, la perte de l’attention à autrui et de l’amour du prochain. Il y a aussi les quatre poisons de la bête immonde de l’inconscience collective : l’accélération du temps, le gigantisme, le carriérisme et la frontière séparatrice, des poisons qui sont bien réels dans mon univers professionnel.
De la confrontation avec toutes les idées de ce deuxième volume, il ressort que je me sens en phase avec elles pour les trouver toutes pertinentes et cohérentes. Elles me donnent l’impression qu’elles étaient déjà en moi, que je les percevais déjà dans le monde mais sans pouvoir les exprimer,
et le livre a le mérite de les formuler clairement.

Le dernier grand moment du livre s’enclenche avec la crise de doute du Dicteur qui est vraiment très bien écrite. Elle nous fait vivre de l’intérieur sa montée d’angoisse jusqu’à ce qu’il craque, pour finalement plonger dans le Silence de Mongo et accéder à la paix intérieure qui est extrêmement bien ressentie.
Ce moment arrive à point pour préparer l’atmosphère de détente nécessaire au dénouement. Le Dicteur nous a fait accumuler son savoir au cours de la lecture, pour ensuite nous montrer que tout ce savoir l’étouffe et n’est pas essentiel pour vivre en paix et heureux. C’est aussi une invitation pour le lecteur, non pas à rejeter, mais à relativiser la connaissance acquise dans ce volume, car la compréhension profonde du Dicteur aboutit au Silence. Et l’image finale de la Madone, par son sourire transcendant indestructible, nous rappelle que si la connaissance peut aider, en définitive seul l’amour de soi-même et des autres apportera la guérison du monde.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Je signale juste que la parenthèse statique à l’intérieur du dynamisme du roman peut sembler un peu longue, mais ça reste très léger.

Volume III 

♥♥♥♥  9,5

Commentaire

Alors que je l’ai adoré, la première impression qui me vient est que je ne sais pas quoi en dire. A cause de sa richesse, de sa vastitude, de sa profondeur spirituelle qui touchent tellement de dimensions de l’être qu’il semble impossible à résumer.
Comme les volumes précédents, on rentre dedans, on est pris par le récit qui est toujours aussi bien écrit. Difficile de lâcher les pages, elles gardent leur pouvoir d’attraction en nous entraînant dans des intrigues qui s’amoncellent en restant ouvertes : l’envie de retrouver les personnages principaux, de les voir évoluer, l’envie de recevoir les révélations des grands symboles, de découvrir la cérémonie de transfert, qui sera le treizième Danseur accompli, à quoi ressemblera la treizième mutation. Mais il y a surtout l’attraction de l’inconnu, on avance dans les pages comme dans l’inconnu, car le livre ne cesse de surprendre en changeant fortement à chaque volume, au point qu’on ne sait vraiment pas à quoi s’attendre avec lui.
Dans ce troisième volume, on plonge dans une dimension spirituelle intense qui pour moi s’apparente à une religion laïque. Son pouvoir d’attraction s’exerce ici au niveau spirituel, dans un appel à aller vers soi-même, à se dévoiler pour une redécouverte de soi-même. Il éveille des intuitions de notre être intérieur, comme si on se parle à soi-même en lisant. Il exprime des vérités éternelles dans une grande référence biblique, mais en employant un langage nouveau, des images poétiques nouvelles très évocatrices qui en rafraîchissent le sens et résonnent clairement en soi.
Le livre devient de plus en plus religieux, et à ce stade, j’imagine que son auteure doit avoir un engagement religieux intense, une connaissance spirituelle profonde. On sent aussi qu’elle aime son livre, qu’elle a dû profondément aimé l’écrire, car en retour on aime son livre, on aime la force de vie et l’amour qu’il contient.

Dans le foisonnement des thèmes spirituels qui m’ont touché, celui qui me vient en premier est le sens avec, ou être avec qui est longuement développé. C’est le  » aimez-vous les uns les autres  » de Jésus. Son imprégnation conduit à dissiper les oppositions, les séparations, produisant un effet d’ouverture à la vie et d’apaisement profond. Il s’associe à l’autre grand thème du Oui inconditionnel à la vie qui invite à ne résister à rien et à tout accepter, nous faisant sentir que cette acceptation sans limites est le moteur qui fait s’évanouir le mal, que si nous pouvions réellement tout accepter, il n’y aurait plus aucune trace de mal dans notre réalité propre. Mais cette acceptation demande le courage de ne résister à rien de ce qui nous arrive, c’est un acte de sacrifice de soi tout comme Jésus s’abandonnant sans condition sur la Croix. Et je ne peux m’empêcher d’associer le périple de Thomas qui s’ouvre et s’abandonne toujours plus à la lente crucifixion de Jésus qui prend sur lui tous les péchés du monde pour les transcender.
Car on peut retrouver cette impression dès la révélation de l’Ogre qui survient au début du volume. C’est une entité fascinante qui contient tout le mal et est le miroir de toute notre peur, mais en même temps l’Ogre appelle Thomas comme un écho lointain de l’appel de Mongo. Thomas l’affronte en reconnaissant qu’il est aussi une part de lui, ce qui devient de plus en plus manifeste dans la dernière partie méditative du livre. Là, sa crucifixion consiste à s’affronter jusqu’au bout, c’est-à-dire à affronter jusqu’au bout l’Ogre, la peur et le mal qui résident dans le miroir de sa conscience. Ça me fait songer à la formule de Kleist qui dit qu’après avoir croqué la pomme il faut manger le pommier tout entier. Il faut aller jusqu’au bout du mal pour le consumer et le transcender. C’est aussi la voie du  » connais-toi toi-même  » où il faut avoir le courage de se regarder jusqu’au bout pour accéder à la connaissance de soi.
Impossible d’évoquer tous les thèmes importants car ils foisonnent. Je peux dire encore qu’ils s’enchaînent, se nourrissent et s’appellent tous les uns les autres. Comme la mission divine de l’homme qui est d’unir en lui Ciel et Terre. Comme de redevenir un petit enfant pour accéder au Royaume éveillé. Ou comme le double mouvement du relatif et de l’ultime où Thomas s’interroge si tous les êtres pourraient être en réalité éveillés, et donc au paradis, sauf lui.
Enfin une dernière note sur la scène d’amour des jeunes amants qui est d’une grande intensité érotique, accompagnant leur élévation et communion toujours plus intime par une stimulation de l’énergie très bien ressentie.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Dans la scène d’amour, il y a quelques longueurs épisodiques, quelques phrases en trop qui pourraient être retirées, mais ça reste très léger.

Volume IV 

♥♥♥♥  10

Commentaire

Comme les volumes précédents ont été à chaque fois des surprises déjouant mes attentes, j’ai commencé ce dernier volume avec une avide curiosité pour la nouvelle surprise qu’il me réservait. J’espérais quand même retrouver les grands personnages du premier volume, surtout le baron Ungern, le plus fascinant à mes yeux. Ça n’a pas été le cas mais ça ne m’a pas déçu non plus, car le grand final du livre a tout emporté dans son énergie, faisant s’évaporer tous les personnages en dévoilant leur nature illusoire dont le rôle premier était de servir de support pour l’éveil de conscience. L’aboutissement du livre est alors exactement tel qu’il doit être, et il révèle rétrospectivement son unité profonde où tous ses différents aspects étaient des préparations pour faire converger l’énergie en un point de fusion libératrice.
Pour essayer de traduire l’impression qu’il m’a faite, je perçois le livre comme une icône, au sens des icônes de l’orthodoxie russe qui ont une fonction et un pouvoir spirituels. Dans l’icône, Dieu envoie une image plate (sans perspectives) contenant un mystère qu’il faut s’efforcer de sonder par la contemplation. De la même façon, le livre envoie dans notre conscience une grande image attrayante, divertissante et chargée de mystère. Le lecteur s’en imprègne tout au long des quatre volumes où un travail de gestation est à l’œuvre qui éclot à la fin quand l’icône révèle son secret en libérant l’énergie spirituelle qu’elle contient. Alors l’image support se dissout, tout l’univers imaginaire s’évapore pour ne laisser que l’essentiel : un éveil de conscience. En reconnaissant la nature illusoire de l’image, on se réveille d’un rêve qui est aussi le rêve illusoire du monde. Lorsque l’image à laquelle on s’est identifié durant toute la lecture se dissout, c’est aussi bien l’image de soi qui se dissout. Elle procure ce sentiment libérateur de l’oubli de soi, source du vrai bonheur pour aller à la rencontre de l’Autre et parvenir à la plénitude de l’Unité où plus rien ne manque.
Le livre finit sur une ouverture qui est un nouveau commencement pour le lecteur. Il s’achève par une transmission d’énergie à travers la Danse finale des mongonastiques, où les Danseurs Carlos et Thomas tapent du pied pour prendre à témoin la Terre, symbole de l’action concrète, et où toutes les identités séparées fusionnent dans l’élan vers la Treizième Œuvre, qui ne peut être qu’une œuvre collective nécessitant la contribution de toute l’humanité. Et le lecteur sort du livre en réalisant qu’il est lui aussi partie prenante de la Treizième Œuvre, qu’elle n’adviendra qu’avec la contribution dérisoire et essentielle de sa goutte d’eau. Ainsi la boucle est bouclée pour un nouveau cycle, qui est aussi un cycle sans fin.
Le livre a semé les graines de l’éveil dans notre conscience pour nous engager à agir concrètement à notre niveau. Après nous avoir démontré que l’humanité était engagée sur le chemin de l’enfer, chemin de la ruine et du dépérissement pour les générations futures, il nous a donné tous les panneaux indicateurs pour retrouver le chemin du paradis. Ce chemin commence en reconnaissant comment on se créé soi-même son propre enfer, il s’accompagne de leçons de sagesse pratique à appliquer pour y mettre fin afin d’aller de mieux en mieux dans sa propre vie, condition préalable pour engendrer un monde meilleur pour tous.

La dimension romanesque du dernier volume est intense. Elle débute par la douloureuse rupture des jeunes amants qui est très bien ressentie. La visite de l’Ogre force Thomas à se confronter à lui-même. C’est un préalable nécessaire à sa renaissance.
Pour se connaître soi-même, il faut affronter sa propre partie infernale, aller à la rencontre de sa part d’ombre et l’accepter. S’accepter tel que l’on est est la voie pour détruire l’ego, l’image de soi, afin de trouver la paix, ce qui demande du courage. Cela revient à accepter le moment présent tel qu’il est pour détruire l’illusion du futur et du passé, et ne plus vivre de faux espoirs, comme accepter le lieu où l’on est comme le meilleur qui soit plutôt que de vouloir s’échapper dans l’ailleurs. Ce qui m’interroge sur l’intuition d’Einstein sur l’espace-temps qu’il concevait peut-être comme une donnée de la conscience.
Thomas se confronte ensuite à Gunj qui va le conduire à la guérison. Gunj évoque clairement le sage réalisé. Il a atteint la vérité de l’être et la joie intérieure inaltérable. Il est parvenu à se libérer de la souffrance enracinée dans l’ego, tout en restant profondément humain et sensible à la souffrance d’autrui, ce qui le rend proche et attachant. C’est un sage très crédible qui donne de la valeur à ses leçons de sagesse. Il n’assène pas un savoir mais a un rôle d’éveilleur et d’accoucheur dont on voit l’effet sur Thomas. Après l’avoir longuement préparé, Gunj l’abandonne a ses propres ressources intérieures pour opérer sa guérison. Elle s’enclenche avec la vision du cœur de Mafat dégorgeant de sang qui est très forte émotionnellement, tandis que le processus de guérison par le transfert de sang coupable dans la crucifixion de Thomas est tout à fait pertinent.
Le développement du rejet, de la violence, de la souffrance, puis de la réconciliation et de l’apaisement des personnages est très bien mené et ressenti, autant entre Mafat et Thomas qu’entre Carlos et Thomas. Leur métamorphose dans la scène de retrouvailles finale s’impose alors naturellement. Ils sont tous les trois unis par un même cœur ouvert dans l’amour inconditionnel comme la sainte Trinité, parce qu’ils sont tous les trois dans l’attention de l’autre et non d’eux-mêmes, donc dans l’oubli de soi où ils se sauvent eux-mêmes en parvenant à l’Un. Il n’y a plus aucune trace de jalousie et de tensions entre eux, tandis que Mafat révèle une dernière fois sa maturité supérieure sur les deux Danseurs en tant que leur initiatrice.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Rien. Tout est à sa place, aucune longueur à signaler.