Critique d’Eva L.

Synthèse

Eva L. – 21 ans – 1ère année Master de Théologie – Strasbourg
Sensibilité littéraire : romans classiques et philosophie politique, Sartre, Alexandre Dumas, Marie-Aude Murail, Orwell « 1984 »

LIVRE COMPLET  ♥♥♥♥  9,5/10*

Volume I  ♥♥♥  8

Volume II  ♥♥♥♥  9

Volume III  ♥♥♥♥  9

Volume IV  ♥♥♥♥  9,5

* la note chiffrée estime la qualité littéraire formelle et la note de cœur l’adhésion intime

En une formule

Une magnifique exhortation à l’Amour de toute la création.

En quatrième de couverture

A travers le destin d’un petit garçon que nous voyons grandir, nous découvrons un monde plongé dans l’horreur et comment cet enfant appelé à être un Élu pourrait le sauver. Ce roman nous parle d’amitié, d’aventure, de fraternité, d’espoir, de bienveillance et d’Amour. C’est en combattant les ténèbres de son inconscience que l’humanité pourra trouver le chemin de la fraternité, et c’est en combattant ces mêmes ténèbres à l’intérieur de lui-même que l’homme pourra se trouver en pleine lumière. Le livre tout entier est une magnifique exhortation, pour que tous aujourd’hui nous agissions à notre échelle pour un monde meilleur, comme des milliards de petits colibris.

Questionnaire

Quelle impression générale vous a fait le livre et qu’est-ce qui le qualifierait le mieux ?

C’est un roman d’initiation, presque une épopée, qui fait le choix de s’attacher à un personnage.
Il est constitué de grandes parties avec des styles différents qui reflètent des énergies, des dynamismes, des émotions et des atmosphères tout aussi différents : vie au village, scène d’amour, transe, aventure, horreur, dialogue, monologue intérieur, description, analyse politique…
Il montre un monde horrible pour nous avertir du pire qui pourrait nous arriver si nous laissons faire, et il nous incite à partir de là à agir dès aujourd’hui.
Malgré la profondeur du mal qu’il décrit dans toute sa cruauté, la tendresse et la bienveillance dominent le livre et l’emportent largement.
La narration prend son temps. Les thèmes sont développés en profondeur, ce qui ralentit le dynamisme de la lecture sur certains longs passages. Cela peut passer pour un manque d’efficacité de tenir le lecteur en haleine, mais c’est finalement une qualité du livre. Elle révèle l’intégrité de l’auteure qui privilégie la profondeur de son message à une efficacité marchande supposée.

Que vous a-t-il apporté ?

L’envie d’agir et de croire qu’une humanité fraternelle est encore possible.

A-t-il éveillé votre conscience dans certains domaines ? Si oui, lesquels ?

Je ne dirai pas éveillé car j’avais déjà conscience de certains thèmes abordés, mais il a renforcé mes convictions quant à l’action pour le bien-être de l’humanité et de la planète.

Maintenant que vous l’avez terminé, percevez-vous sa cohérence d’ensemble et les liens nécessaires des différentes séquences dans le développement des thèmes ?

Je vois le livre comme des blocs successifs de styles différents, formant un tout cohérent. Cependant, je m’attendais à retrouver le personnage d’Ungern. Je suis un peu restée sur ma faim de ce côté-là, on ne voit pas l’évolution du monde souffrant.

Maintenant que vous l’avez terminé, percevez-vous la raison d’être de l’anonymat de l’auteure en lien avec le sacerdoce des mongonastiques ? La trouvez-vous justifiée et nécessaire ?

Je ne sais pas si elle est nécessaire, mais c’est certain qu’elle renforce l’aura de mystère à l’origine de la création du livre.

Considérez-vous que le livre peut avoir un impact bénéfique sur la conscience collective ?

Oui, totalement, car il invite à agir.

Selon vous, est-il accessible au grand public ?

Oui, car il retrace une aventure, et non, car les longues descriptions peuvent ennuyer certains lecteurs qui ne seraient pas réceptifs aux thèmes abordés.

Selon vous, a-t-il un potentiel de succès de librairie ?

Je ferais la même réponse que pour la question précédente.

Une fois publié, le conseilleriez-vous à vos proches ?

A certains, qui y seraient réceptifs, oui.

Volume I 

♥♥♥  8

Commentaire

L’écriture simple et aisée fait qu’on entre très facilement dans l’univers du livre. La façon de mettre en place tout doucement la multitude des différents éléments de l’univers est aussi très bien amenée. L’univers se construit et se déploie peu à peu dans notre imaginaire, mais sans qu’on parvienne encore à l’identifier et à comprendre ses enjeux. On en est au stade d’avoir tous les éléments d’un puzzle dont on attend que tout soit rassemblé pour découvrir la vision d’ensemble. Et c’est en premier cela qui me donne très envie d’entamer le volume II pour découvrir l’univers total dont il retourne.
Le personnage de l’enfant Thomas qui porte la marque du héros et peut-être de l’Élu attendu, par sa bienveillance et son désir de faire le bien, donne également très envie de se plonger dans la suite. Intriguée par la communauté de Mongo et leur attente de Thomas pour sauver l’humanité et accomplir son bien, je voudrais savoir comment ils comptent s’y prendre, surtout dans sa pertinence en reflet avec le nôtre. Car avec un monde très sombre dépeint dans le récit qui est comme une extrapolation extrême du nôtre, l’enjeu de le sauver fait immanquablement écho à l’enjeu de sauver notre propre monde actuel.
C’est comme ça que je perçois le personnage d’Ungern et les situations de tortures horribles dont il se délecte. C’est un dictateur qui règne par la manipulation de la peur et qui symbolise la noirceur du pouvoir économique et politique qui pèse sur notre humanité. Mais il y apparaît comme un avertissement de ce qui pourrait nous arriver si nous laissons se développer ce pouvoir sans réagir. Car si le livre met en relief cette noirceur, il semble avant tout motivé par la bienveillance et une volonté de lui trouver un remède.
Je dirai encore que la vie au village est attrayante pour son bonheur de vivre qui s’apparente à des versions altermondialistes et alternatives de notre société consumériste.
Les personnages les plus marquants sont pour moi Thomas par sa bienveillance et son pouvoir caché d’Élu potentiel, et Djack qui est plein de mystère du fait de son arrivée « accidentelle » au village où il fait la jonction entre les différents mondes.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

J’apprécie le style classique, et ici nous avons un style moderne avec un langage parlé très direct dans les dialogues, auquel je ne suis pas trop sensible.
J’ai été aussi dérangée par des répétitions en fin de phrases que je trouve malvenues et maladroites.
Ces deux remarques ne signalent pas des fautes qui doivent être corrigées, mais simplement ma sensibilité personnelle qui ne s’accorde pas avec ces deux intentions du texte qui sont manifestement délibérées.

Volume II 

♥♥♥♥  9

Commentaire

En révélant les enjeux essentiels du livre, le second volume monte nettement en intensité par rapport au premier qui apparaît alors comme sa nécessaire préparation. C’est sa dimension d’activisme citoyen intégrée au support romanesque qui m’a le plus captivée par sa pertinence et son potentiel de large diffusion.
Le style qui a évolué pour s’accorder à la maturité du propos est élaboré et tout à fait abouti.
Alors que le premier volume nous laissait dans les limbes sans pouvoir percevoir de quoi retournait l’univers de Mongo, ce qui m’a plu d’emblée est de ne pas avoir été déçue dans mon attente d’en être éclairée. Cette fois le mystère est levé, toute la compréhension des rouages de ce monde est donnée. Ce qui semblait partir un peu dans tous les sens dans le premier volume se révèle appartenir à une vaste architecture où chaque élément participe à l’ensemble par des liens nécessaires qui n’ont rien de fantaisiste. A partir de là, le récit s’inscrit dans une solide assise qui donne une grande force de développement aux thèmes abordés qui en deviennent d’autant plus convaincants.
J’ai ainsi adoré toute la description en miroir de notre monde d’aujourd’hui qui s’ouvre sur l’exacerbation de l’industrie des croquants qui a façonné une humanité vouée à la consommation, au narcissisme et à l’égoïsme. Elle met aussi très clairement en relief que cette orientation pathologique qui nous corrompt tous fait désormais tellement partie de nos mœurs que personne ne songe à la remettre en question. Tout comme la dictature de la Communication à laquelle nous sommes soumis par une saturation de divertissements qui aboutit à un abrutissement de masse, à la passivité et à la paresse qui sont acceptés socialement alors que ce sont des vices nuisibles à notre épanouissement. Tout comme la dominante de la peur pesant sur la Communication comme principal instrument de manipulation des foules et source de toutes les destructions.

Tout cela prépare l’essai socio-économique du livre auquel j’ai beaucoup accroché. On y retrouve le champ lexical de l’horreur comme une exhortation salutaire à agir, et à agir en commençant par soi-même. Notre responsabilité individuelle de contribuer à changer le monde est judicieusement mise en avant par l’esprit de la goutte d’eau. Tout en mettant à l’honneur les mouvements marginaux d’altermondialisme motivés par une action transformatrice, elle rappelle l’impasse des révolutions du passé que seul l’essor d’une nouvelle pensée peut surmonter et dont le premier impératif est que le changement commence par l’intérieur.
Elle implique un rejet de la transcendance, du moins en ce qui concerne l’attente passive d’un salut venu de l’extérieur. Ni Dieu, ni une nouvelle révolution, ni un nouveau gouvernement ne vont sauver le monde, mais c’est à chacun de nous qu’il revient de contribuer à créer un monde meilleur en prenant conscience du pouvoir d’action effectif de notre goutte d’eau.
Ce thème en appelle d’autres qui vont se déployer au cours du livre. C’est le Silence de Mongo (ou de Dieu) qui nous interpelle ensuite. Son Silence n’est pas rien, il n’est pas inaction ni indifférence mais le gage de ne pas agir à la place des hommes en leur laissant la liberté de choisir, une liberté qui implique d’assumer la responsabilité des conséquences de nos choix. En même temps, Mongo (ou Dieu) tout en ne se manifestant pas de lui-même a un plan pour le monde, un plan insondable visant son Bien suprême dans lequel le mal est un ingrédient qui fait partie de l’accomplissement de ce plan.

Ceci renvoie à nouveau à l’interrogation toujours ouverte de la liberté et du déterminisme qui traverse tout le livre. Pour Thomas en proie à cette interrogation qui le tourmente, l’issue semble apparaître dans une conjonction des deux où c’est en s’appropriant son destin, en acceptant d’être ce qu’il est qu’il trouvera sa liberté.
J’apprécie particulièrement cette façon dont le livre entretient des interrogations fondamentales sans apporter de réponse définitive. Il stimule l’esprit critique en ne prenant pas de position tranchée. Ainsi l’institution de Mongo n’est pas un idéal parfait. Elle a des failles qui méritent d’être affrontées pour être surmontées. C’est tout le rapport entre la foi et le doute qui est exacerbé chez le Dicteur, mais aussi chez Thomas. Je trouve qu’il est très bien exploré et développé. Il montre que le doute n’est pas incompatible avec la foi mais peut contribuer à la faire grandir. La foi a parfois besoin d’être mise à l’épreuve par le doute afin de se révéler à un niveau plus profond et de devenir plus authentique. Et c’est une leçon qui vaut également pour tous les mouvements citoyens porteurs d’un idéal qui méritent d’être remis en question pour grandir en pertinence et ne pas s’aveugler.
Il y a encore beaucoup d’autres idées originales qui m’ont marquées, comme tout ce qui tourne autour de l’art comme arme de salut et d’éducation humaniste des enfants, car elle stimule leur expression, leur observation et leur altruisme.
Je citerai juste pour finir le rapport au temps qui est très évocateur des pressions de notre société de l’urgence et de la vitesse. Alors qu’il est aboli au Mongonastère, procurant la vertu de s’appliquer justement à ce que l’on fait sans tension d’un résultat à fournir, c’est tout le contraire dans la société de la croissance qui est soumise à la tyrannie du temps. Ce qui me fait songer à ce dicton africain : « Vous, vous avez les montres, et nous, nous avons le temps ».

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Rien à signaler.

Volume III 

♥♥♥♥  9

Commentaire

Ce volume III m’a encore plus captivée que les deux précédents. J’ai adoré lire les trois premiers quarts dans lesquels j’étais totalement absorbée. On a ici le dynamisme de l’épopée dans un roman d’initiation qui déploie pas à pas les différentes phases initiatiques conduisant à un éveil de conscience toujours plus élevé. La découverte de l’amour partagé entre Thomas et Mafat est magnifiquement exprimée. Elle est d’une grande sensibilité, pleine de douceur et de tendresse, tandis qu’ils s’ouvrent graduellement l’un à l’autre pour se rejoindre dans une communion et une intimité toujours plus profondes. Cette ouverture à l’autre révèle qu’elle est indissociable d’une ouverture à soi-même et à la vie, dans un sentiment de confiance, d’écoute, de respect et de vénération chaque fois grandissants.
C’est la grande leçon de sagesse que je retiens de ce troisième volume : oser s’ouvrir à la vie, l’accueillir comme un cadeau, lui dire un Oui inconditionnel dans le présent. Notre relation épanouie à la vie en dépend, car elle nous rappelle notre condition première d’être au monde dont seule cette disposition ouverte peut nous en faire goûter la béatitude. Ce cheminement qui conduit à être en paix avec soi-même et avec la vie éveille naturellement un état intérieur de gratitude et de bienveillance qui ne demande plus qu’à s’épancher à l’extérieur, sur les autres et sur le monde. La quête du remède universel pour sauver l’humanité souffrante qui jalonne les volumes précédents trouve ici une autre réponse complémentaire et plus élevée dans l’Amour. L’Amour peut sauver le monde dès lors que l’on reconnaît que le monde est Amour. C’est ce qu’exprime Thomas au sortir de sa nuit d’amour lorsqu’il redécouvre le monde avec les yeux neufs et innocents d’un petit enfant, lui procurant la sensation paradisiaque d’émerveillement face au monde. Là tout vient du cœur et tout est reçu avec le cœur, et il n’y a d’autre commandement que d’écouter son cœur dans le présent sans se préoccuper du futur. L’envie d’aimer qui vient du fond du cœur lui a été inspirée par Mafat pour ensuite déborder sur le monde. Il s’agit bien du véritable amour qui aspire à se dévouer au bien-être d’autrui sans rien vouloir pour soi-même. Il s’agit aussi du véritable sacrifice (de l’égoïsme) qui n’est pas contraint ou forcé, mais qui devient l’expression spontanée de la libération du cœur et de la vie en soi qui procure le véritable bonheur d’être.

Autour de ce thème central gravitent d’autres thèmes qui lui sont connectés et qui approfondissent les réflexions antérieures sur la peur, la liberté et le déterminisme, la foi et le doute…
Il y a d’abord la leçon sur Newton et Einstein. Elle révèle la relativité du monde qui n’est pas objectif mais est l’expression de notre projection subjective. Cette relativité est porteuse d’espoir car elle prouve que nous avons le pouvoir de transformer le monde à partir de nous, en transformant notre projection par l’élévation de notre conscience.
L’état désastreux dans lequel se trouve le monde est la preuve de la liberté qui nous est laissée et qui est indissociable de notre responsabilité. Nous sommes alors tenus par un devoir de conscience envers le monde et envers la Terre.
Le Mongonastère fait ressortir sa part ombrageuse de dictature où il interdit les relations d’amour entre les paysannes des îlets et les mongonastiques. Les boules noires qui voient tout suppriment la vie privée et l’intimité, et donc la liberté d’agir qui est impossible dans une surveillance constante.
La religion (dans le sens d’une connexion à une dimension transcendante) a disparu pour être remplacée par la religion de la Communication. J’y vois une vraie corrélation du déclin du religieux avec notre monde d’aujourd’hui où la recherche de réponse dans la transcendance a fait place à Internet qui a réponse à tout.
L’acte de foi est dans le Oui inconditionnel à la vie. On ne peut pas servir à la fois Dieu et l’argent, on ne peut que se donner entièrement à Dieu. Ce qui met la foi à l’épreuve en demandant le courage d’affronter sa peur. Dans cette épreuve toujours renouvelée, le doute a sa place et joue un rôle important, stimulant les remises en question et ramenant à l’humilité.
Le thème de la peur réapparaît en étant plus nuancé : il y a un juste milieu où il faut savoir aussi écouter sa peur. Cela me rappelle Aristote pour qui la vertu se trouve dans le juste milieu entre les extrêmes.
La fin du volume a des références explicites au chemin christique. Thomas réalise (p266) qu’il porte en lui la charge coupable de toute l’humanité déchue, tout comme Jésus a pris sur lui tous les péchés du monde. Pour accéder au Royaume, il faut être semblable à un petit enfant et ne rien posséder. L’homme porte en lui le péché originel mais aussi une bonté originelle…

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Le dernier quart du volume s’affaiblit par des longueurs. Les thèmes y sont traités de façon trop répétitives, m’ayant donné l’impression d’avoir déjà compris avec l’envie de passer à la suite, surtout dans les deux longs passages en italiques. Ils gagneraient à être réduits de 25%.

Volume IV 

♥♥♥♥  9,5

Commentaire

J’ai dévoré ce dernier volume qui m’a enthousiasmée parce qu’il s’achemine vers la lumière en partant de l’obscurité, aboutissant à un dénouement final plein d’espoir et d’énergie positive. On se retrouve ici totalement dans le roman initiatique marqué par les longs échanges entre Thomas et Gunj. C’est l’aspect du roman qui m’a le plus surprise car je ne m’attendais pas du tout à ce que leur dialogue sous forme de joute oratoire soit autant développé. S’il est long, il a sa valeur propre et ne donne pas une impression de longueur et de répétition comme pour la dernière partie du volume précédent. Mais par cette orientation inattendue qui mène jusqu’à la fin du livre, le baron Ungern est oublié. On ne saura rien du sort de l’humanité souffrante sous son joug avec le péril qu’il fait peser sur elle, et cette omission m’a un peu laissée sur ma faim. A la place, le livre se termine sur une fin ouverte où le combat à livrer pour délivrer cette humanité en grand péril ne fait que commencer. C’est le dernier miroir qu’il nous renvoie, car il s’agit aussi bien de notre situation collective actuelle qui nous commande d’entrer en action pour échapper à notre autodestruction. La Treizième Œuvre ne pouvant être accomplie qu’avec la contribution de toute l’humanité, c’est à chacun de nous qu’il revient désormais d’agir au niveau de notre goutte d’eau pour écrire la suite de l’histoire dont le dénouement heureux nous est assuré, comme le montrent si bien les trente dernières pages du livre. Elles nous galvanisent en étant porteuses de joie, de bienveillance, de fraternité, de certitude de l’accomplissement : nous avons le pouvoir d’agir, et à travers nous, le monde sera sauvé.

Tous les thèmes développés ont une référence biblique forte, directe ou indirecte.
1- La grande interrogation de la liberté et du déterminisme qui sillonne tout le livre aboutit à la compréhension que la liberté est dans l’acceptation de ce qui arrive, dans cette détente qui est un abandon confiant à une puissance supérieure inconcevable qui sait mieux que nous ce qui est bon pour nous parce qu’elle veille parfaitement sur nous.
2- Dans le rapport à la vie, il n’y a pas de délivrance dans la fuite de la réalité. L’attachement aux rêves qui sont des illusions créé la souffrance. Le remède pour s’en délivrer est de s’ancrer dans le présent.
3- Dans le rapport à autrui, juger les autres est le mal absolu. Le jugement est une projection (de soi) sur l’autre qui ne peut que le manquer. Il installe une séparation qui interdit la relation d’altérité, dans l’accueil bienveillant de la différence de l’autre. Avoir un cœur ouvert à toutes choses nous délivre du mal du jugement.
4- La bonne santé d’une société est dans l’équilibre, le juste milieu entre les extrêmes qui renvoie à nouveau à Aristote. La vertu n’est pas dans la soumission aveugle à la loi, mais dans le juste équilibre entre l’obéissance à la loi et sa nécessaire transgression.
5- Tout comme dans « Le Petit Prince », le regard authentique est dans l’enfant. Il faut garder sa part d’enfance pour accueillir la vie.
6- L’Ogre est l’équivalent du Diable, trompeur et tentateur, prétendant être au-dessus du bien et du mal. L’originalité ici est de montrer qu’il puise sa force dans l’inconscience collective. Il s’oppose à Mongo, donc à Dieu qui conduit à la fin des souffrances.
7- Mongo en tant que Source évoque le Saint Esprit, et donc la Trinité. L’aspect du Christ est incarné par Thomas, Mafat, et aussi Carlos plus en arrière, parce qu’ils partagent la condition de l’humanité souffrante en la prenant sur eux.
8- Il ne faut pas s’inquiéter du lendemain car Mongo veille au bien de la création.
9- Sur les deux personnes qui coexistent en nous, la fausse et la vraie, cela me fait songer à la citation de Paul : « Je fais le mal que je ne veux pas ». La fausse personne tourmente les hommes. Elle est la racine du déséquilibre et du péché originel. Il revient à Thomas dans sa dimension christique, tout comme à Mafat qui est son double féminin, de détruire le germe originel du malheur qui réside dans la fausse personne.
10- L’exhortation à agir pour le bien du monde. Mongo a besoin des hommes pour accomplir son Œuvre salvatrice. Elle ne se fera pas sans nous qui avons la chance de pouvoir agir au niveau de notre goutte d’eau. C’est une mise en garde contre la passivité qui peut prendre le déguisement de la neutralité mais qui en réalité est néfaste. Sans se remettre en question et sans conscience d’agir, notre passivité est le fléau qui nous détruira. L’Adversaire nous enlise dans les ténèbres, et on ne pourra le vaincre qu’en retrouvant le chemin de la fraternité en osant aller vers l’inconnu et l’impossible.
11- La révolution qui attend l’humanité est dans le Retournement de son attention, la faisant passer de l’égoïsme à l’altruisme, de l’attention fixée sur soi à l’attention d’autrui.
12- L’Amour et la Fraternité sont le seul vrai pouvoir. Ils s’opposent à l’orgueil. C’est ce que montre la scène finale révélant l’amour pur et entier que Mafat a autant pour Thomas que pour Carlos. Elle révèle que l’amour véritable ne choisit pas et n’est pas sélectif mais s’étend à toute la création.
13- Enfin la chute de Thomas nous montre qu’aussi élevé et pur soit-il, il n’est pas infaillible. Tout comme nous, il peut être tenté par le Diable, mais l’important est qu’à l’issue de ce combat intérieur, on soit toujours capable de se relever.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Rien à modifier. Comme je l’ai dit plus haut, on ne voit pas l’évolution du monde souffrant avec Ungern, mais c’est le parti pris de la fin ouverte du livre.