Critique de Jules F.

Synthèse

Jules F. – 20 ans – 3ème année Sciences Po – Strasbourg
Sensibilité littéraire : littérature classique, Zola, Maupassant.

LIVRE COMPLET  ♥♥♥  8/10*

Volume I  ♥♥♥♥  9

Volume II  ♥♥  6

Volume III  ♥♥♥  8

Volume IV  ♥♥♥  8

* la note chiffrée estime la qualité littéraire formelle et la note de cœur l’adhésion intime

En une formule

L’intérieur est à l’extérieur et l’extérieur est à l’intérieur, tel est le miroir de la conscience et la clé du salut de l’humanité à venir.

En quatrième de couverture

Sommes-nous libres ou soumis à un déterminisme inexorable ? La réponse à cette question est capitale pour décider si les fléaux écologiques et économiques que notre humanité a engendrés relèvent de notre responsabilité et donc de notre capacité d’agir pour y remédier, ou s’ils sont le fait d’un engrenage implacable qui nous dépasse, justifiant la posture collective de déni et d’impuissance à changer qui est clairement la voie de la fatalité dans laquelle nous sommes enlisés depuis des décennies. 
En suivant la destinée d’un jeune enfant porteur d’un don mystérieux qui nous entraîne dans une quête du remède universel au sein d’un univers futuriste où règne le pouvoir de la Communication, cette grande interrogation métaphysique va être développée en menant le lecteur à des prises de conscience successives jusqu’à la révélation finale de notre liberté fondamentale qui remet le salut de l’humanité entre nos mains. Tandis que nous découvrons un monde de la Communication investi par des personnages hauts en couleur et des symboles forts liés à une entité mystérieuse, on s’ouvre parallèlement à une métaphore de notre monde contemporain qui nous met constamment en prise avec des miroirs grossissants qui nous révèlent la réalité profonde de notre situation. 
Il en résulte un effet de contagion où la conscience et l’énergie des personnages fictifs auxquels le lecteur s’est identifié tout au long du récit fusionnent avec notre réalité intérieure pour nous inviter à poursuivre l’aventure dans le monde réel, contribuant à notre tour à propager le remède universel à la mesure de notre goutte d’eau…

Questionnaire

Quelle impression générale vous a fait le livre et qu’est-ce qui le qualifierait le mieux ?

Je le qualifierai de roman d’éducation focalisé sur la quête du remède universel. Il interroge sur les causes de la souffrance humaine sous toutes ses formes (extérieures sur les plans socio-économiques et politiques, et surtout intérieures par les tourments du mental qu’on s’inflige à soi-même), conduisant à différentes prises de conscience qui ouvrent la voie à des remèdes réels ou potentiels pour notre humanité.
L’impression générale est d’avoir été plongé dans une vaste métaphore de notre monde contemporain, avec des symboles forts évocateurs du pouvoir de la Communication qui conditionne de plus en plus notre existence quotidienne. Le livre nous tend ainsi des miroirs de notre société et de notre réalité intérieure qui se développent et s’approfondissent au cours des quatre volumes pour nous parler profondément de nous-même.

Que vous a-t-il apporté ?

– Un fort engouement et un vrai plaisir de lecture pour la dimension romanesque du premier volume.
– Des réflexions intéressantes et éclairantes sur notre monde de la Communication : le rapport entre l’attention passive et l’attention active très pertinent ; le pouvoir envahissant de la publicité présenté de façon originale et amusante ; le rapport entre l’inconscience et la conscience comme source du mal et source du bien impliquant la nécessité de cultiver l’éveil de conscience comme seule voie de salut pour l’humanité…
– Le dernier volume m’a procuré un sentiment de lâcher-prise qui fait du bien, par contraste avec notre société d’hyper-contrôle qui impose une tension permanente, aussi bien qu’un détachement à l’égard de notre culture du bonheur obligatoire que l’on doit afficher dans les réseaux sociaux.

A-t-il éveillé votre conscience dans certains domaines ? Si oui, lesquels ?

Je retiens la formule clé du livre :  » L’intérieur est à l’extérieur et l’extérieur est à l’intérieur « . En mettant l’accent sur la primauté de l’intériorité, il m’a rendu plus clairement conscient qu’aucun changement positif réel de notre société ne peut être attendu s’il ne s’accompagne pas d’un changement intérieur individuel correspondant.
Le rapport entre le bien et le mal commence par un manichéisme très marqué pour évoluer vers une prise de conscience de leur valeur relative et donc illusoire, transcendée par la réalisation du Bien supérieur qui intègre les opposés.

Maintenant que vous l’avez terminé, percevez-vous sa cohérence d’ensemble et les liens nécessaires des différentes séquences dans le développement des thèmes ?

Oui, tout à fait. La lecture du dernier volume éclaire les volumes précédents en révélant l’unité du livre. Alors que chaque volume est très différent, explorant un champ de réflexion et de sensibilité propres, il y a un approfondissement graduel de la quête centrale du remède à la souffrance de l’humanité. Tout s’emboîte dans une logique nécessaire, où on passe d’une prise de conscience située à un certain niveau de perception à une autre à chaque fois plus profonde, nous menant au cœur de la vision d’ensemble qui dévoile toute sa cohérence.
On est entré dans l’univers fantastique du roman en plongeant dans un imaginaire très éloigné de notre vie quotidienne. Puis il s’est mis à pointer vers notre réalité en présentant des miroirs de notre société. Et ce rapport entre le lointain et le proche s’est accentué au cours des volumes pour finir par nous parler profondément de nous-même.
Le livre se termine sur une ouverture où le lecteur est convié à continuer sa propre histoire. Au-delà de l’attrait d’un récit porteur, il nous a transmis un manuel de vie avec des prises de conscience et des leçons de sagesse qu’il ne nous reste plus qu’à mettre en pratique.

Maintenant que vous l’avez terminé, percevez-vous la raison d’être de l’anonymat de l’auteure en lien avec le sacerdoce des mongonastiques ? La trouvez-vous justifiée et nécessaire ?

Oui, j’y suis plutôt favorable. Je pense que cela permet de renforcer le caractère intrigant du livre et de son atmosphère.

Considérez-vous que le livre peut avoir un impact bénéfique sur la conscience collective ?

Oui, pour son éclairage pertinent de notre société et les prises de conscience qu’il suscite, mais à condition que le livre soit resserré sur l’essentiel et rédigé plus simplement afin d’être attractif pour un large public.

Selon vous, est-il accessible au grand public ?

Non, pour la version que j’ai pu lire, car il y a trop de longs passages théoriques et abstraits insistants qui feront décrocher le plus grand nombre.

Selon vous, a-t-il un potentiel de succès de librairie ?

J’attends de pouvoir lire la dernière version remaniée et simplifiée pour me prononcer. Mais ça reste très certainement possible, car le contenu du livre est en soi intense, captivant, original et éclairant, nous confrontant aux grands défis de notre réalité contemporaine qui nous préoccupent tous.

Une fois publié, le conseilleriez-vous à vos proches ?

Même réponse que précédemment, j’attends de pouvoir lire la dernière version remaniée et simplifiée pour me prononcer. Mais si ses longueurs excessives ont disparu et qu’elle me conquiert, ce sera sans hésitation.

Volume I 

♥♥♥♥  9

Commentaire

J’ai vraiment beaucoup aimé.
La grande réussite du livre à ce stade est de plonger le lecteur dans une situation romanesque vite prenante portée par une intrigue forte pour le confronter à des interrogations philosophiques et existentielles fondamentales qui restent ouvertes tout du long.
La part de l’imaginaire propre du lecteur est habilement ménagée en n’identifiant pas clairement le cadre du récit. C’est une époque futuriste indéterminée dont le contexte reste flou et ouvert, ce qui permet de stimuler son propre champ de réflexion. Et très vite, plutôt que de partir dans une anticipation lointaine déconnectée de notre réalité, on est pris dans ce qui s’apparente davantage à une métaphore de notre monde contemporain où se déploient des symboles forts qui percutent sur des facteurs incontournables de notre vie d’aujourd’hui.
Cela vaut pour les milliards de cubes gris qui font écho à l’omniprésence des écrans dans nos vies, source insidieuse de dépendance et d’addiction, comme pour les boules noires qui font écho à un organe de contrôle et de surveillance de tous nos comportements qui se développe toujours plus avec l’extension sans fin d’Internet. Car le monde dépeint dans le livre où le pouvoir de la Communication règne en maître absolu est déjà le nôtre. Et il livre des réflexions très éclairantes sur ce nouveau pouvoir, notamment sur le paradoxe d’un monde de libre communication, sans censure et sans entrave, qui n’en impose pas moins une forme de dictature subtile en distillant une pensée hégémonique se revendiquant comme expression neutre d’une réalité objective et d’un bon sens commun.
Outre la dimension politique révélant les nouveaux enjeux de pouvoir, il y a aussi une approche sociologique marquée par le contraste entre un village heureux où la communauté doit être soudée pour assurer sa survie, limitant la liberté individuelle par une obligation presque mécanique d’être solidaire, et l’univers des basses villes où les individus sont libres et indépendants, mais dont l’isolement et l’individualisme génèrent une société malsaine et malheureuse.
Quant aux grandes interrogations sur la condition humaine, elles s’enclenchent dès l’entrée en matière du récit par le cas de conscience insoluble imposée à Ambre, la mère de l’enfant élu. On est alors plongé dans une référence biblique riche qui nous tient en haleine avec le combat intérieur des trois protagonistes initiaux qui aboutit au sacrifice et au don de soi pour un mobile inconnu. C’est aussi toute la part d’innocence de l’humanité incarnée par l’enfant Thomas qui va être confrontée à la volonté de contrôle du Dicteur et du Mongonastère à des fins intéressées, une volonté de contrôle motivée par une quête obsessionnelle de perfection et de salut, comme si la perte de l’innocence renvoyant à la chute du paradis était inéluctable. S’y ajoute le thème de la perte de la mémoire qui en passant par Djack évoque l’oubli de l’origine et de l’essentiel, comme si l’humanité errait sans but, ne sachant pas où elle va parce qu’elle ne sait pas (ou a oublié) d’où elle vient.
Puis à partir de là, se pose la grande question de la liberté et du déterminisme qui va imprégner tout le récit. Cette question métaphysique est particulièrement relancée avec l’introduction du personnage noir d’Ungern qui est l’antithèse de la bonté naturelle exprimée par Thomas et son village. On se trouve alors dans un schéma manichéen marqué : les bons d’un côté et les mauvais de l’autre. Sauf que tout en Ungern montre que c’est un déterminisme implacable qui l’a façonné par-delà sa volonté propre pour le rendre si haineux. Ce qui réactive l’interrogation fondamentale de la condition humaine : l’homme est-il bon ou mauvais par nature ? Et qui en est la cause ? Est-il responsable de ce qu’il hérite de son conditionnement ? Ou la responsabilité en revient-elle à ce Mongo, évocation suggérée d’un pouvoir créateur transcendant, qui semble façonner les êtres à sa guise pour les rendre bons ou mauvais selon sa seule volonté ?
En tout cas, toutes ces interrogations passionnantes développées dans ce premier volume donnent une irrésistible envie de se plonger dans le second volume pour les approfondir en espérant en recevoir encore d’autres éclairages.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Rien à signaler.

Volume II 

♥♥  6

Commentaire

Ce volume rompt avec le précédent en quittant l’élan romanesque pour nous installer dans un essai socio-économique et politique contemporain.
Il reprend les thèmes abordés dans le premier volume pour les développer sur le terrain de l’analyse et de la réflexion. C’est la question de la liberté et du déterminisme, de la nature bonne ou mauvaise de l’homme, du pouvoir médiatique envahissant, avec le voyeurisme, la sexualité mercantile, la quête financière et existentielle d’attention, l’observation et la surveillance omniprésentes, la surinformation qui annihile le sens de l’engagement et de l’action, et aussi l’isolement des individus par des connexions toujours plus virtuelles où tout le monde veut se montrer sur les écrans alors que les contacts humains réels se raréfient.
J’ai beaucoup aimé toute la réflexion sur la publicité et la façon originale dont elle est mise en relief. De même, le rapport entre l’attention passive et l’attention active est très pertinent. C’est fondamentalement le rapport entre le fait d’être conscient ou inconscient qui engage notre responsabilité individuelle dans le monde de la Communication : donner notre attention à ce qui est digne d’attention pour faire croître la dignité dans le monde. Choisir et cultiver la conscience s’annonce comme la voie du salut pour l’humanité, tandis que l’inconscience est la voie de la perdition à la racine de tous les malheurs de l’humanité.
Le livre renvoie alors à une dimension religieuse ou spirituelle en adoptant une position clairement manichéenne qui montre la « juste voie ».
C’est l’aboutissement du long développement de l’essai socio-économique comme synthèse des thèmes et problématiques de notre monde contemporain. L’impasse de la croissance infinie et sa solution par la décroissance. L’impasse de l’endettement infini et sa solution par la réappropriation du pouvoir de création monétaire par le peuple. L’impasse du chômage endémique et sa solution par le revenu d’existence universel et le travail non productif créateur de richesse humaine, etc.
Mais ce manichéisme est heureusement tempéré par le constat d’échec des meilleures intentions et solutions sur la papier, ainsi que par de fortes ambiguïtés révélant les contradictions inhérentes en tout être humain. Face à la nécessité de la décroissance, il y a la croissance infinie de Mongo comme une volonté de pouvoir insatiable et indéracinable dans la nature ou la destinée même de l’homme. Tout comme il y a ce rappel que Mongo n’est qu’un Instrument, et que dans ce monde de la Communication que nous sommes en train d’engendrer tous ensemble, nous pouvons en faire le meilleur usage comme le pire.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

Mon engouement pour le premier volume porté par sa dimension romanesque captivante et riche en péripéties s’est refroidi en devant la quitter pour plonger dans le long développement de l’essai socio-économique. J’entends bien que c’est le parti pris du livre qui a toute sa raison d’être en tant qu’il nourrit l’ensemble du propos, mais il aurait fallu que je puisse bifurquer sur l’essai en me sentant à nouveau captivé sur le plan de la réflexion et de la découverte d’une nouvelle vision, ce qui n’a pas été le cas en dehors de quelques idées neuves inédites.
La raison en est que de par ma formation et culture politique, les thèmes d’actualité repris dans l’essai me sont familiers, et j’ai donc eu l’impression d’une redite et de ne rien apprendre de nouveau sur de nombreuses pages. D’où mon manque d’enthousiasme et mon impression de longueur.
Bien que l’intérêt sera certainement supérieur chez un lecteur qui découvre ces thèmes pour la première fois, la question à se poser est à qui se destine le livre ?
Pour les lecteurs ignorants ces thèmes, l’essai aura un effet de nouveauté avec une valeur pédagogique et attractive certaine, mais pour les gens comme moi, je pense qu’il y aura une tendance à décrocher en raison de trop de longueurs.
A mon sens, ce second volume gagnerait alors à être réduit à l’essentiel sur toute la partie essai, sans perdre pour autant l’attrait potentiel qu’il doit exercer sur les lecteurs non-initiés.

Volume III 

♥♥♥  8

Commentaire

Ce volume III renoue avec l’intensité de l’action et des enjeux du premier volume qui s’était affaiblie sur le volume II. On monte aussi d’un cran dans le développement et l’éclairage des thèmes initialement abordés.
Le questionnement toujours renouvelé de la liberté s’y révèle tributaire de la bonté de l’homme. Une bonté qui n’est pas innée mais s’acquiert par une éducation de haute tenue stimulant les prises de conscience et l’élévation de l’âme. On trouve ici un écho très fort de l’Humanisme de Rabelais qui donne la primauté à une éducation complète intelligente faite d’effort, de courage et de discipline sans quoi la bonté ne peut pas fleurir en l’homme.
C’est ainsi que débute ce troisième volume qui présente le Mongonastère comme une école de la conscience où le travail du corps avec le Taï Chi Chuan et l’art de la Danse a autant d’importance que le travail intellectuel dispensé par Gunj. Le but est l’élévation continue du niveau de conscience qui procure toujours plus de liberté et de bien-être, conditions indispensables pour les exprimer à l’extérieur de soi sous la forme d’une bonté épanouie naturelle et spontanée.
La grande formule du livre « L’intérieur est à l’extérieur, et l’extérieur est à l’intérieur » résume tout le propos d’une éducation à l’éveil de conscience comme seule voie de salut pour l’humanité. Elle reprend l’aboutissement de l’analyse socio-politique du volume II en l’approfondissant et en la rendant directement perceptible à travers le travail d’éveil de conscience du jeune Thomas. Le changement commence par l’intérieur, car le monde n’est jamais perçu objectivement mais à travers la coloration positive ou négative de notre état intérieur dont il est la projection.
Une évolution salutaire de la société ne pourra donc advenir qu’en partant de la transformation intérieure des individus conduisant à une multiplication d’actes individuels toujours plus conscients, c’est-à-dire aussi bien toujours plus épanouis dans la bonté naturelle et spontanée.

Avec la rencontre des paysannes des îlets, le récit renoue avec l’action. L’éveil du grand amour de Thomas incarné par Mafat relance toute l’intrigue des connexions et implications insaisissables de Mongo. D’abord Mongo lui interdit l’accès à Mafat lors de leur première rencontre amoureuse parce qu’elle a éveillé sa peur de l’ »autre » qu’il n’a pas encore affrontée. Une peur profonde qui s’extériorise sous la forme de l’Ogre, cette abomination de Mongo qui lui donne alors une dimension encore plus élevée, comme s’il était au-delà du bien et du mal. De là il orchestre le destin implacable des êtres en faisant indifféremment leur bien comme leur mal, puisqu’en définitive le bien et le mal ne sont que des interprétations relatives du mental humain. Le « mal » que croit subir Thomas va faire son bien, et vice versa, révélant que la manifestation de Mongo par-delà bien et mal œuvre toujours à la finalité du Bien supérieur.
C’est ce que montre toute l’ambiguïté du personnage de Mafat. Mongo l’a désignée à Thomas dès l’enfance en l’associant à la fontaine d’amour dans la cellule de transfert, et en même temps succomber à l’amour de Mafat revient à se détourner de son devoir de mongonastique.
Dans la longue scène d’amour, Mafat va être son initiatrice pour l’élever par leur communion toujours plus intime à une conscience toujours plus vaste jusqu’à atteindre à un paroxysme béatifique de libération, d’amour et de compassion, expression de l’accomplissement humain total. Alors que c’était l’éducation du Mongonastère qui devait le conduire à cette suprême élévation de conscience, il apparaît que c’est en s’y opposant pour suivre l’enseignement de la vie même et de sa propre sagesse intérieure que Thomas y est parvenu en répondant à l’amour de Mafat. Sauf qu’à travers Mafat l’initiatrice, il s’agit peut-être encore de l’éducation de Mongo commandée par sa main invisible.
Renaissant de son illumination comme un nouvel être, Thomas va ensuite explorer sa conscience neuve de l’éveil dans de nombreuses dimensions. La conscience de la mort y tient une place essentielle. Elle est le pendant salvateur du refoulement de la réalité de la mort propre à la société de la croissance infinie qui alimente son autodestruction, invitant à se réconcilier avec la réalité de la mort dans une vision positive et lumineuse où elle est réintégrée au cycle sans fin de la vie. C’est la leçon finale du lâcher prise qui conduit au véritable bonheur par l’abandon confiant à la vie, sans s’accrocher à aucun savoir ni aucun contrôle et sans être maître de rien.

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

La leçon sur Newton et Einstein décrivant le passage à un niveau d’harmonie supérieur est trop longue. La nuit d’amour de Thomas et Mafat est elle aussi trop longue et devrait être resserrée sur l’essentiel.

Volume IV 

♥♥♥  8

Commentaire

La plus forte impression que je garde de ce dernier volume est qu’il fait du bien. Il invite à lâcher prise, à entrer dans l’acceptation de ce qui adviendra en reconnaissant au final qu’on ne maîtrise pas notre destin. C’est particulièrement salutaire dans notre société où tout se veut hyper-contrôlé. Ce besoin de contrôle génère une tension permanente alors qu’en réalité notre pouvoir de contrôler les événements reste très limité, voire illusoire. Le livre nous en fait prendre conscience en apportant une forme de paix, car face à l’inanité du contrôle, il ne reste qu’à s’abandonner à notre destin imprévisible en confiance, et cette détente fait se sentir bien.
La lecture du dernier volume éclaire les volumes précédents en amenant une autre compréhension : tout ce qui a été exposé de façon si marquée se trouve relativisé et distancié. L’unité du livre est aussi révélée. Alors que chaque volume est très différent, explorant un champ de réflexion et de sensibilité propres, il n’y a pas de redites mais un approfondissement graduel de la quête centrale du remède à la souffrance de l’humanité. Tout s’emboîte dans une logique nécessaire, où on passe d’une prise de conscience située à un certain niveau de perception à une autre à chaque fois plus profonde, nous menant au cœur de la vision d’ensemble qui dévoile toute sa cohérence.
On est entré dans l’univers fantastique du roman sans préjugé de départ, plongeant dans un imaginaire très éloigné de notre vie quotidienne. Puis il s’est mis à pointer vers notre réalité en présentant des miroirs de notre société. Et ce rapport entre le lointain et le proche s’est accentué au cours des volumes pour finir par nous parler profondément de nous-même.
J’ai terminé la dernière page du livre en me disant d’abord :  » Ah bon, rien de plus « , comme s’il manquait le dénouement final, puis quelques secondes après c’est devenu évident que la fin ne pouvait pas être autrement. Le livre se termine sur une ouverture où le lecteur est convié à continuer sa propre histoire. Au-delà de l’attrait d’un récit porteur, il nous a transmis un manuel de vie avec des prises de conscience et des leçons de sagesse qu’il ne nous reste plus qu’à mettre en pratique.

Le dernier volume reste dans un manichéisme marqué, où l’individu est tiraillé par son choix entre le bien et le mal. La figure de l’Ogre s’oppose ainsi à celle de Gunj incarnant la sagesse réalisée, chacun faisant valoir ses attraits et ses séductions.
Le problème moral est à nouveau soulevé dans la quête du bonheur. Il nous interroge indirectement sur notre culture du bonheur obligatoire, ce bonheur apparent de l’image de soi que nous devons afficher en public, tout comme nous devons toujours nous faire valoir positivement sur les réseaux sociaux.
Le pouvoir qu’a autrui de faire notre bonheur ou notre malheur symbolisé par Mafat met bien en évidence la faiblesse fondamentale de l’Homme face à ce pouvoir. Quand Thomas réalise que Mafat n’est pas la cause première de son bonheur, et donc qu’elle ne peut pas être non plus la cause première de son malheur, il accède à une prise de conscience déterminante qui réoriente complètement sa quête du bonheur en percevant sa source en lui. C’est un message positif annonçant que le seul bonheur accessible est dans la plénitude de l’être qui ne dépend que de soi. Tout le reste nous enferme dans les illusions. Mais la quête du bonheur tout au long de notre vie n’est-elle pas justement de courir après des chimères ? Et ce bonheur que notre culture nous commande de conquérir impérieusement existe-t-il seulement ?

Ce qui pourrait être amélioré ou corrigé

La séquence avec l’Ogre est trop longue, il y a des répétitions et des insistances inutiles.
Je note aussi une tendance à l’excès d’adjectifs dans le texte en général.