Critique de Luc K.

Synthèse

Luc K. – 55 ans – BTS dessinateur industriel – Electricien bio
Sensibilité littéraire : auteurs hispaniques, Jack London, Hermann Hesse, fantastique

VOLUMES I ET II*  ♥♥♥♥ 

Épisode 1  ♥♥♥♥ 

Épisode 2 ♥♥♥♥ 

Épisode 3 ♥♥♥♥ 

Épisode 4 ♥♥♥ 

* Le test 1 s’est limité aux deux 1ers volumes, chaque volume contient 2 épisodes

Premier épisode

♥♥♥♥

La plus forte impression que je retiens de la lecture de ce premier épisode est à quel point il m’a captivé.
On entre doucement dans un récit écrit sobrement avec charme et simplicité, pas du tout à la manière trépidante des thrillers, et pourtant très vite on est pris dedans et on ne peut plus le lâcher. Pour moi, ça tient autant à l’intrigue qui est vraiment très intrigante, quasi hypnotique, qu’à l’ambiance générale et à l’originalité de l’univers imaginaire qu’il déploie. Ça donne envie de plonger dans cet univers mystérieux en compagnie de ses personnages qui sont tous profondément humains, très touchants et attachants.

Je suis ressorti de ma lecture avec la sensation d’avoir découvert un ton très original, comme si le livre avait une personnalité unique qui ne ressemble à rien de ce que j’ai pu lire précédemment. Mais je suis incapable de dire d’où ça vient exactement, car le texte reste classique dans sa forme, sans effet de style particulier pour chercher à se distinguer, à la différence de tant de nouveaux auteurs pour qui c’est véritablement un tic de vouloir faire l’original à tout prix, alors que chez eux ça sent l’effet artificiel à plein nez.
Par contre, j’avoue avoir été hermétique à la longue scène des ébats sexuels entre Ambre et Djack. Je n’ai pas compris ce qu’une scène aussi crue faisait à l’intérieur du récit. Je l’ai vécue comme l’intrusion d’un autre niveau de sollicitation explicitement érotique auquel je n’avais pas envie de me brancher, tant je voulais rester dans l’atmosphère sensible et attentionné du livre. Du coup, j’ai trouvé cette intrusion érotique pénible et impudique. Mais dès que j’en suis sorti, j’ai reconnecté immédiatement avec le cours du récit initial qui m’est apparu encore plus intense, sensible et touchant, chargé d’émotions vraies jusqu’à son dénouement absolument poignant.
A cause de ce bémol, je pourrais me limiter à trois cœurs, mais je tiens tout de même à en donner quatre, car ce livre contient indéniablement une force de vie exceptionnelle qui a su m’entraîner et me procurer un vrai bonheur de lecture.

Deuxième épisode

♥♥♥♥

Évidemment, je me réjouissais de pouvoir poursuivre l’aventure du 1er épisode qui m’a si bien captivé. Et là, je dois dire qu’au niveau accroche, ça a été encore pire que le premier. Je me suis retrouvé à le dévorer dans mon lit sans pouvoir le lâcher jusqu’à ce que je sombre écrasé de sommeil le livre entre les mains.
Dans cet épisode, la magie de l’imaginaire opère à nouveau en nous entraînant dans un autre univers complètement différent du premier. C’est à ce moment-là que le livre commence véritablement à se déployer en nous faisant comprendre qu’il n’a pas été rédigé au petit bonheur mais est construit sur une solide charpente qui a été mûrement réfléchie.
On pénètre dans l’univers sombre pressenti dans le 1er épisode qui est vraiment glauque et sinistre, en contraste avec l’univers lumineux de Mongo réservé à une élite. Le décor est posé sur ces deux mondes que tout oppose où va manifestement se jouer un combat sans pitié entre les forces de lumière et les forces obscures.

Quand on quitte le monde horrible des basses villes pour retrouver le cirque paradisiaque du Mongonastère, j’ai ressenti un véritable soulagement. L’expédition des deux enfants dans la nature sauvage m’a fait penser à Hoffman où le magique rejoint la réalité, quand l’esprit s’incarne dans des formes d’une beauté surprenante. Les leçons du sage Zabir dispensés à Thomas et Carlos nous invitent à une lecture plus méditative tournée vers la quête de soi, et le ton m’a cette fois fait penser à Hermann Hesse avec sa respiration lente et profonde propre aux romans initiatiques.
J’ai terminé cet épisode sur une lecture plus sereine comparée à mon excitation initiale de dévorer l’histoire pour savoir où tout cela mène. J’en sors avec encore plus d’interrogations et d’énigmes. Que sont donc les boules noires, les cubes gris, Mongo et sa toute-puissance ? Qu’est-ce qui les lie entre eux ? L’intrigue devient de plus en plus métaphysique, et je commence à me laisser porter par cette atmosphère de mystère en acceptant de voyager dans les brumes du récit sans chercher à tout prix à en être éclairé. Mais j’ai quand même hâte de plonger dans la suite du livre pour poursuivre l’aventure et aller à la rencontre de ce mystère toujours plus épais.

Troisième épisode

♥♥♥♥

Surprise des surprises, le mystère de Mongo est dévoilé d’un seul coup, comme s’il était complètement mis à plat après nous avoir fait mousser durant plus de 400 pages. Avec lui ce sont les clés de lecture du livre qui nous sont livrés en nous révélant que les brumes n’étaient qu’apparentes, car on découvre que toutes les scènes qu’on a lues jusqu’ici sont liées entre elles par des liens nécessaires à l’ensemble, que rien n’était fantaisiste ni gratuit. Et cette découverte de la construction cachée du livre qui est comme la vision d’une cathédrale longuement travaillée et ciselée est ce qui m’a le plus impressionné dans ce court et dense troisième épisode.

Quatrième épisode

♥♥♥

La densité du contenu s’élève encore, et cette fois sur le plus long volume, extrêmement développé et approfondi. Ici, j’ai bien senti que la lecture devient plus exigeante, requiert une attention soutenue et un désir de s’instruire pour comprendre les enjeux de politique-fiction que le livre revendique.
Cet épisode surprend à nouveau par sa différence qui le distingue des précédents. Il se permet une véritable cassure du récit romanesque dans lequel on était entraîné avec jubilation pour ouvrir une longue parenthèse théorique qui nous sort provisoirement du roman. Je perçois bien que c’est une façon de prendre du recul sur l’aspect de pur divertissement du roman pour l’intégrer à notre réalité sociale et politique, ce qui nous invite à un regard personnel sur notre propre vie et responsabilité de citoyen afin de nous sentir plus impliqués au moment de reprendre le cours de l’aventure romanesque.
Mais je dois reconnaître que ça n’a pas fonctionné avec moi, car tout ce qui est politique, même anticipatoire, ne m’attire vraiment pas. Je me suis retrouvé à survoler une trentaine de pages concernant la finance, sujet des plus indigestes à mes yeux, avant de pouvoir replonger avec plaisir dans les dialogues et les évolutions intérieures des personnages qui eux restent toujours aussi vivants et prenants.

En fait, cette cassure du flux romanesque m’a rappelé « Guerre et Paix » de Tolstoï qui est un roman magnifique que j’ai adoré, sauf pour ses longues parenthèses théoriques qui pour moi sont plutôt pesantes qu’enrichissantes. Dans ce 4ème épisode de L’Appel de Mongo, c’est la même chose avec cette grande différence que ça passe quand même beaucoup mieux parce que c’est complètement intégré à l’enjeu du livre, et qu’on ne voit pas comment on pourrait le retirer sans perdre le sens de tout ce qui suit. Bref, ce n’est pas un défaut du livre que je soulève ici, mais ma réaction subjective d’allergique à la politique et à la finance.
Ceci mis à part, tout le reste est vraiment magistral de construction et de profondeur psychologique. Les cas de conscience et les cheminements intérieurs du Dicteur et des deux Danseurs sont superbement exprimés, ils s’enchaînent et se répondent par des mouvements nécessaires qui les rendent extraordinairement réalistes dans un contexte fantastique. Surtout la chute du Dicteur, ce puits de science qui craque en reconnaissant qu’il ne sait rien, est un véritable coup de théâtre dans sa dimension spirituelle que j’ai trouvé très forte.
Je termine ma lecture des quatre épisodes sur une légère baisse d’enthousiasme mais avec un désir intact de me plonger dans les épisodes suivants pour aller au bout de l’aventure de ce livre monumental sur tant d’aspects. Je me sens aussi privilégié d’avoir eu la faveur de découvrir le manuscrit de L’appel de Mongo avant tous les autres, car un livre maîtrisé de bout en bout de cette envergure, de cette puissance, de cette finesse et de cet attrait, je n’en vois pas d’équivalent aujourd’hui, et à mon avis il est appelé à connaître un succès considérable dans les années à venir.