Une révolution culturelle

Il y a tant et tant de fables pour faire ce monde, des fables officielles, des fables obligatoires, des fables autoritaires, des fables stériles, des fables empoisonnées, et des fables de guérison! Au nom du Ciel et de la Terre, laquelle est la vraie ?
L’Appel de Mongo volume III

La révolution dans le livre (extrait)

Au commencement de l’ère de la Communication, tous se réjouissaient de ce qu’elle ouvrait le monde de l’art et de la culture au plus grand nombre, convaincus que la majorité des humains se mettraient à se cultiver pour leur plus grande élévation commune. Au lieu de quoi, ils se sont employés à convertir la culture en divertissement, les assimilant l’un à l’autre sous forme de divertissement culturel ou de culture du divertissement… À partir de là, toutes les expressions artistiques ont dû se soumettre aux codes du divertissement pour survivre dans le cube. Et depuis lors, seuls les artistes doués pour ce jeu-là accèdent à la reconnaissance publique. Puis comme ce talent-là les enrichit grassement, l’accession à la célébrité les range automatiquement aux côtés des puissances régnantes où leur production va se complaire à les justifier et les glorifier pour partager les mêmes intérêts! Tout cela parce que l’art soumis au divertissement est un art soumis au profit, que l’art soumis au profit est un art soumis au pouvoir, et que l’art soumis au pouvoir est un art corrompu! […]

Comprenez bien que les produits de divertissement sont d’abord conçus pour servir d’ancrage aux croquants [publicités]. Il leur faut donc entretenir l’état d’engourdissement des consciences favorisant leur imprégnation, une tâche qui nécessite qu’ils soient consommés assidûment à travers une addiction que les artistes les plus doués pour le divertissement n’ont aucun mal à établir. […]

Pendant que les peuples s’abreuvent en masse à ces produits hauts en couleur qui ne prétendent à rien d’autre qu’à les divertir, pendant qu’ils prennent fait et cause pour les justiciers en se projetant avec eux dans le combat contre tous les crimes perpétrés dans des mondes imaginaires, ils se soumettent passivement à la profusion d’injustices réelles perpétrées dans le monde réel! Et comme cette profusion d’injustices réelles sont essentiellement l’œuvre des puissances régnantes, comment s’étonner que le divertissement soit devenu leur arme maîtresse, la plus aboutie des armes de propagande!

Songez un peu! Pendant que les peuples se délectent d’un déferlement ininterrompu de divertissements au contenu purement distrayant, le contenant de ces divertissements, leur habillage, leur arrière-plan incluant le comportement de base des personnages, leur apparence, leur vision de l’existence, leur rapport aux autres, tout cela distille en permanence les valeurs prônées par les puissances régnantes! Et des valeurs que les peuples assimilent à leur insu où elles les imprègnent par-devers eux jour après jour, année après année en façonnant leur vision de la réalité!… Alors quand vous détenez les moyens d’imposer aux peuples la vision d’une unique réalité qui reflète l’ordre de domination établi par les puissances régnantes, vous détenez l’arme de propagande ultime! […] On aboutit à une situation où pas plus que les peuples ne sont conscients de la propagande qui les imprègne à travers leur consommation addictive de divertissements, pas davantage le monde artistique qui les sécrète en continu n’est conscient d’être l’instrument de cette propagande! […]

Voilà où nous a conduits l’ère de la Communication en portant au pinacle le divertissement! Toutes les formes d’art et de culture n’ont cessé de régresser en se réduisant à des produits de consommation sans âme qui ont fini par corrompre toute l’humanité!

< L’Appel de Mongo volume II p180-184 >

Sortir d’une vision unique de la réalité

Tout relève de ce double constat. D’une part, c’est désormais le divertissement de masse qui influe le plus sur la conscience collective en se chargeant d’orienter et de forger ses valeurs dominantes. Et d’autre part, toute expression artistique, philosophique, spirituelle qui reste cantonnée dans son champ propre n’a plus (ou très peu) d’impact sur la conscience collective, se réduisant à une niche qui s’adresse à un public averti et restreint.

Or le divertissement omniprésent qui ne « prétend à rien d’autre qu’à divertir » propage une vision monolithique de la réalité qui reflète l’ordre de domination des puissances régnantes. Parce que ce divertissement de masse est d’abord un marché sans autre finalité que de faire du profit, il imprègne en continu les consciences des « bienfaits » associés au profit, leur transmettant le goût du luxe, de la consommation, du pouvoir, de la célébrité, de l’individualisme, de la compétition, de la domination, de la guerre, etc.

Bien entendu, dans cette immense production de divertissements on trouvera toujours des exceptions mais elles sont précisément là pour confirmer la règle. Il suffit de considérer les aspirations montantes de plus d’un tiers de la société civile pour l’écologie, la sobriété matérielle, le partage, la solidarité, le désir de paix, d’ouverture à l’autre, le rejet du travail pour le travail, etc., et leur quasi absence de représentation dans les productions de divertissement pour en prendre la véritable mesure.

Car ce sont les marchands qui décident au final de la valeur de tel ou tel divertissement culturel. Car entre leurs mains ils sont des produits structurés pour le profit où ils vont payer le prix de leur visibilité médiatique en campagnes promotionnelles qui les feront émerger de la profusion océanique de divertissements. Tandis que toute œuvre qui ne pourra pas bénéficier de leurs circuits de promotion éprouvés est de plus en plus condamnée à l’invisibilité en restant noyée dans la masse.

Les récits créent notre réalité

Au commencement est le Verbe, au commencement est le récit, la fable, le mythe.

La réalité dans laquelle nous habitons n’existe pas en soi mais est construite par un ensemble de récits qui forme notre mythe moderne. À d’autres époques et dans d’autres civilisations, nous étions identifiés à d’autres mythes qui constituaient notre réalité du moment, très différente de celle d’aujourd’hui.

Dès lors que l’expression artistique de l’humanité est totalement assimilée au divertissement culturel, elle propage un unique récit (ou métarécit) qui prône les valeurs et les lois du monde marchand, et qui est un récit de plus en plus toxique.

Il constitue ce moins pire des mondes possibles dans lequel l’élite régnante nous enferme en affirmant qu’il n’existe aucune alternative crédible et réaliste à notre situation. C’est notre réalité officielle, celle qui nous maintient dans le Vieux Paradigme du culte de la croissance et de la consommation infinies. Mais ce Vieux Paradigme est devenu intenable pour être de plus en plus mortifère et dysfonctionnel. Il est la cause du désastre planétaire et de nos plus grands maux et non leur réponse.

C’est pourquoi nous devons impérativement nous ouvrir à un Nouveau Paradigme sans croissance qui seul peut mettre un arrêt à notre autodestruction en nous engageant dans une nouvelle voie de prospérité partagée. Car notre monde en grand péril exige une transformation profonde de nos comportements qui ne peut advenir qu’en changeant de récit, pour nous sensibiliser collectivement à une nouvelle fable, un nouveau mythe qui deviendra notre nouvelle réalité.

Il s’agit pour l’humanité de quitter une fable empoisonnée pour entrer dans une fable de guérison. Autrement dit, il s’agit de sortir de l’impasse d’une réalité de plus en plus sombre pour nous ouvrir à l’horizon lumineux d’une nouvelle réalité apte à nous rediriger sur le chemin du paradis, ce chemin d’améliorer la qualité des conditions d’existence de l’humanité tout entière.

Telle est la révolution culturelle que porte en germe L’Appel de Mongo, dans cette nécessité de rassembler les artistes porteurs de conscience autour d’un même combat pour engendrer et nourrir un nouveau récit salvateur pour l’humanité.

C’est un récit qu’appelle une conscience émergente partout présente sur la planète, exprimant les besoins et les rêves des mouvements altermondialistes, féministes, antiracistes, des créatifs culturels* et des nouvelles générations en révolte, un récit qui en lieu et place du profit prône la conscience comme notre première et véritable richesse, le seul trésor que nous emporterons avec nous dans la mort.

Cette révolution culturelle étant propre à notre monde de la Communication, elle s’inscrit alors dans un combat pour conquérir l’attention collective afin de faire triompher les valeurs de la conscience. Ce qui exige de recourir désormais au support du divertissement efficace, mais également de constituer un réseau de distribution non marchand, une force promotionnelle propre pour grandir en visibilité médiatique, cela non pas à des fins lucratives mais dans une économie de la gratuité dédiée au bien de toute l’humanité.